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Jusque-là tout allait bien; mais il eut bientôt occasion d’éprouver les mauvaises chances de la guerre. Débarquée en août 1808, l’armée anglaise, une fois Junot expulsé du Portugal, s’était avancée vers l’intérieur de l’Espagne; alors elle avait rencontré l’ennemi en forces supérieures. Vinrent les pluies, les neiges, avec tous les accidens d’une retraite précipitée. Que sir John Moore, le commandant en chef des troupes britanniques, fût un mauvais général ou qu’il ait été mal renseigné par son gouvernement, déçu par ses alliés de la Péninsule, le fait certain est que les Anglais se replièrent dans un désordre qui ressemblait à une déroute, de Talavera sur Lugo, et plus vite encore de Lugo à la Corogne. Les derniers jours de cette campagne désastreuse firent surtout impression sur l’esprit du jeune enseigne. A Lugo, le 36e était encore capable de combattre; deux jours après, il était en complète débandade. Enfin la flotte recueillit les épaves de cette expédition, partie sous de plus brillans auspices. Murchison rentrait en Angleterre en janvier 1809, non point dégoûté de la guerre peut-être, tout au moins désireux de la faire à l’avenir dans des conditions moins affligeantes.

Du caractère dont il était, il n’est point surprenant que son rêve favori fût de devenir aide-de-camp. Justement son oncle, le général Mackenzie, qui commandait alors à Messine, l’appela près de lui. La vie n’était pas des plus gaies en Sicile, l’attention était ailleurs; c’était ailleurs aussi que se présentaient les occasions de se distinguer. Que n’était-il plutôt retourné en Espagne avec Wellington ? Le général Mackenzie, dont la santé souffrait d’un climat trop chaud, rentra bientôt en Angleterre, d’où il repartit à bref délai pour commander une division à Armagh, en Irlande. Ainsi se passèrent les années où les contemporains de Murchison gagnèrent des grades. Il en accusait sa mauvaise étoile; peut-être eût-il dû simplement s’en prendre au brillant général près duquel l’affection le retenait. Mackenzie était arrivé jeune, il était bel homme, il avait les façons d’un courtisan, et, de fait, il paraîtrait que ses allures de gentilhomme n’avaient pas été étrangères au rapide avancement qu’il avait obtenu. Quelques années auparavant, se trouvant en congé à Rome comme l’armée française y entrait soue les ordres de Murat, au lieu de fuir à la hâte, il s’était montré en grand uniforme dans un salon où le général français était reçu avec son état-major. Cette sorte de bravade, qui éloignait du moins tout soupçon d’espionnage, avait plu à Murat, qui s’était lié avec Mackenzie. A la prise d’Amiens, celui-ci étant venu à Paris, les deux amis renouèrent connaissance. Plus tard, tandis qu’ils étaient l’un en Calabre et l’autre à Messine, arriva un jour sous pavillon parlementaire un officier napolitain qui apportait au général anglais quelques livres