Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/951

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peuvent que la mettre en guerre avec elle-même, concentre tous ses efforts dans une action persévérante pour assurer l’exécution fidèle des engagemens de la Turquie, pour faire de ces réformes nécessaires une réalité. On peut imaginer bien des solutions de la question d’Orient : celle-ci est encore la plus simple et même la seule possible, si on ne veut pas commencer par mettre l’Occident en combustion pour rétablir la paix, pour répandre la civilisation dans l’empire ottoman.

S’il y a une puissance impartiale et désintéressée dans ces brûlantes affaires, c’est assurément la France. Elle n’est point sans doute, elle ne peut pas rester étrangère ou indifférente à ces agitations de l’Orient, aux conflits, aux transformations d’équilibre qui pourraient en être la conséquence. Ce qui est vrai du moins, ce qui éclate à tous les yeux, c’est que la France ne peut songer aujourd’hui à poursuivre des desseins personnels, à chercher des occasions de démonstrations militaires ; elle n’a qu’un rôle tout indiqué, qui peut n’être pas sans efficacité et qui est certainement honorable, c’est d’être partout une médiatrice utile, de concourir à tout ce qui doit maintenir la paix, de montrer sans affectation comme sans impatience que sa parole garde tout son poids dans toutes ces questions de sécurité et d’équilibre du monde. Même dans ces conditions soigneusement définies et maintenues, la politique extérieure de la France peut intervenir sérieusement, avec indépendance, dans l’intérêt universel, et surtout, pour pouvoir être pratiquée avec suite, elle a besoin de s’appuyer sur une situation intérieure exempte de troubles et de difficultés. Ce n’est point à coup sûr le pays par lui-même qui créera ces difficultés et qui peut gêner M. le ministre des affaires étrangères. Le pays n’a qu’une passion persévérante, celle de la paix avec tout le monde comme de l’ordre intérieur, et il l’a montré encore une fois par cette élection des maires qui vient de s’accomplir ces derniers jours. C’est la première application de la loi récente qui rend aux conseils municipaux le droit de choisir leurs magistrats ; elle s’est faite dans le plus grand calme. Presque partout, au moins en immense majorité, les maires déjà en fonctions ont été confirmés. A ne considérer que l’intérêt supérieur et permanent du pays, on pourrait certainement se demander si l’expérience qui vient de se faire a démontré l’utilité de la dernière loi et si cette question de la nomination des maires est définitivement tranchée. Ceci reste peut-être un point réservé. Dans tous les cas, si on voulait chercher une signification politique, soit dans la confirmation des anciens maires, soit dans l’élection des maires nouveaux, on risquerait probablement de se livrer aux plus vains calculs.

Au fond, le pays n’a pas le goût des manifestations, et ce serait médiocrement répondre à ses instincts les plus profonds que de réveiller les questions irritantes, les conflits passionnés, dans les chambres qui