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1 5/6 pour six. Rien n’est plus mauvais pour notre cabotage que cette mesure, parce qu’elle est un grand obstacle à l’association des petits capitaux et qu’elle empêche plusieurs hommes intelligens, mais peu fortunés, de se créer une carrière en s’associant. Elle est également mauvaise, parce qu’elle vient aggraver la situation de nos armateurs au point de vue de la concurrence qu’il leur faut soutenir. Ainsi un négociant français qui, pour les besoins de son commerce, possède 50,000 tonneaux de jauge de navires à voiles, paie, en outre de sa patente d’armateur, un impôt de 50,000 francs s’il est seul, de près de 100,000 francs s’il est contraint de prendre des associés. En Norvège, les charges d’un armateur se réduisent au paiement dans son pays d’une patente de commerçant. On voit qu’en ceci encore la lutte que nous soutenons contre nos rivaux est loin d’être établie avec égalité. Les droits de quai aux États-Unis ne se paient qu’une fois par an. En France, ils se paient toutes les fois qu’un navire entre au port ; c’est une charge écrasante pour ceux de nos navires qui viennent à intervalles très rapprochés faire dans nos rades des opérations de commerce, comme ceux qui à Marseille font le cabotage entre la France et l’Algérie ou l’Italie, et dans les ports du Nord avec les pays voisins. Ainsi un petit navire de 300 tonnes de jauge, faisant entre l’Italie et la France des voyages fréquens, arrive à payer comme droits de quai, avant la fin de l’année, une très forte somme, ce qui, pour un petit bâtiment et de pauvres frets, est une intolérable charge. « Pourquoi ne pas décréter que les droits de quai ne seront payés qu’une fois par an, comme aux États-Unis, en les augmentant légèrement au besoin, pour conserver à l’impôt le même rendement ?[1]. »

Nous arrivons au point difficile de la question, c’est-à-dire aux divers projets qui doivent arrêter la décadence de notre marine marchande, et conserver ainsi à l’état les hommes de mer dont il a « besoin pour armer ses flottes en temps de guerre. A cet égard, l’école protectioniste comme l’école du libre-échange nous offrent un nombre infini de réformes et de modifications.

Occupons-nous d’abord des solutions proposées par le congrès de la marine marchande, le 7 juin 1876. Ce congrès, composé d’armateurs, de délégués des chambres de commerce et d’un représentant de la Société générale des transports maritimes à vapeur, demande à revenir au système de protection tempérée ; mais il a en outre le tort de trop faire l’éloge des hautes barrières douanières dont les États-Unis ont entouré leurs frontières depuis la fin de la guerre civile. Ce que l’on sait déjà par l’exposition de Philadelphie du haut prix et de la médiocre qualité des produits essentiellement

  1. Extrait des registres, des délibérations de la chambre de commerce de Toulon.