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réunies, — de 616,000 tonneaux pour la navigation de concurrence de 1870 à 1874, — enfin de 1,054,818 tonneaux pour le mouvement général de la navigation de la France pendant la même période. Ces chiffres, il faut bien le reconnaître, n’indiqueraient pas une marine en voie complète d’anéantissement, si l’on pouvait perdre un seul instant de vue qu’une partie de ce beau résultat coûte au budget en subventions postales et annuelles, 25 millions de francs. Il était également impossible que nos armemens restassent absolument stationnaires, de 1860 jusqu’à nos jours, lorsque le marché extérieur français prenait chaque année un si grand développement.

Arrivons aux autres causes qui maintiennent forcément notre marine marchande à voiles dans un rang secondaire. Il y a d’abord un fait regrettable et que rien ne peut empêcher, c’est l’obligation pour nos constructeurs de navires de payer les bois plus cher que ne les paient les États-Unis d’Amérique, le Canada, la Norvège, les chantiers de la Baltique et de l’Italie. Une inégalité tout aussi fâcheuse se produit en France pour les fers, les tôles et les cornières, qui sont employés dans nos arsenaux maritimes. Nos principales usines métallurgiques se trouvent presque toutes établies au centre du pays ; les tôles, par exemple, n’arrivent du Creusot dans les ports de Bordeaux, de Marseille, de la Seyne et du Havre qu’avec une surcharge de transport inconnue aux ateliers anglais. Il est vrai qu’il y a une loi qui permet l’entrée en franchise du matériel employé dans les constructions navales et dans les armemens ; mais cette loi est entourée de telles difficultés dans l’exécution que c’est comme si elle n’existait pas, et nous continuons à payer plus cher tous les objets dont nous nous servons pour construire. D’autre part, la chambre de commerce de Toulon a fait remarquer avec beaucoup de raison que tous les bureaux de douane ne sont pas ouverts aux admissions en franchise. Celui de la Seyne, par exemple, où se trouve le plus grand chantier de construction de la France, n’a pas le droit de faire ces opérations, et ce n’est qu’à titre purement gracieux que les constructeurs qui y sont établis ont obtenu une autorisation temporaire. Saint-Tropez, Antibes, Agde, pour ne parler que des petits ports du Midi, sont dans le même cas, et ce qui rend surtout cette loi illusoire pour l’armateur, c’est l’obligation d’avoir fait avant un an l’emploi de ces objets ou de payer un double droit, d’où résulte l’impossibilité d’établir un dépôt où l’on pourrait avoir un bon matériel à sa disposition au fur et à mesure des besoins. Nous pouvons, il est vrai, acheter à bon marché les navires des étrangers ; mais que deviendront alors nos chantiers, nos ouvriers, notre industrie navale ? Il serait fort à craindre qu’on ne nous livrât que des rebuts remis à neuf.

S’il est très vrai qu’en France la main-d’œuvre est moins chère