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marchandises légères dont les fabriques de Manchester inondent les marchés du monde entier. Aussi le fret des produits manufacturés de la Grande-Bretagne est-il très peu élevé pour les ports qui consomment beaucoup de charbons anglais : la houille ouvre ainsi à l’industrie britannique l’accès des marchés étrangers et lui tient lieu d’une prime d’exportation. Les importations de l’Angleterre comprennent au contraire beaucoup de marchandises lourdes : grains, farine, pommes de terre, etc., qu’elle paie avec des objets fabriqués. La houille vient fort à propos compenser la différence de poids du chargement d’aller et du chargement de retour ; elle complète le premier par un lest productif. En outre, elle permet au navire anglais d’abaisser le fret de retour, qui se trouve à moitié payé par le fret d’aller ; en revenant de Bombay ou de Calcutta, il peut par exemple se contenter d’un fret de 60 francs par tonne, parce que, grâce au charbon, il a déjà encaissé 50 francs en arrivant, tandis qu’un navire parti sur lest est forcé d’élever le fret de retour à 110 francs, et ne trouve pas facilement à compléter sa cargaison. C’est ainsi qu’on peut dire que la houille est le nerf du commerce extérieur de la Grande-Bretagne.

Des 120 ou 130 millions de tonnes qu’elle extrait maintenant chaque année de ses mines, l’Angleterre exporte 12 ou 13 millions, dont la France et l’Allemagne reçoivent chacune 2 millions, la Russie et les états Scandinaves également 2 millions, et les riverains de la Méditerranée 2 millions 1/2 ; le reste s’écoule en Asie et en Amérique. En ajoutant à cette exportation les 10 millions de tonnes expédiés en moyenne par le cabotage, on arrive à un total de 23 millions de tonnes qui sont embarqués chaque année dans les ports du royaume-uni, et qui ont fourni, à la moyenne de 400 tonnes par navire, le fret de sortie à près de 60,000 navires, dont un quart seulement forme la part des pavillons étrangers. Ces chiffres ont assez peu varié de 1871 à 1875.

Après l’Angleterre vient la Belgique comme pays exportateur : des 15 ou 16 millions de tonnes qu’elle a produits en 1872, elle a vendu le tiers (5 millions 1/2), qui a été presqu’en entier absorbé par la France, ce qui fait que cette exportation ne donne guère lieu à un mouvement maritime en rapport avec son chiffre. On sait d’ailleurs que la Belgique n’a presque plus de marine : elle ne possède plus, à l’heure qu’il est, que 51 navires à voiles et 38 navires à vapeur : dans le port d’Anvers domine le pavillon étranger. Les 4,650,000 tonnes de charbons et coke qu’elle nous a envoyées en 1872 par les canaux et les chemins de fer représentaient les deux tiers de notre importation et venaient à propos pour satisfaire les besoins rapidement croissans de la grande industrie, qui avait