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asiatique d’Astrakan. Le trajet de Moscou à la mer Caspienne s’était, la première fois, accompli en quatre-vingt-deux jours. Dans ce second voyage, où l’on préféra éviter les nombreux détours de la Moscova et de l’Oka, la même trajet n’avait demandé qu’un mois et demi. Il était donc à la rigueur possible de passer en quatre au cinq mois de l’embouchure de la Tamise à l’embouchure du Volga ; mais de cette embouchure au Cathay, quelque direction que l’on prît, il faudrait certainement, comme au temps de Marco-Polo, chevaucher pendant au moins une année. L’Inde était beaucoup plus rapprochée ? c’était surtout à l’Inde qu’on se proposait d’arriver par la Perse.

Dès son arrivée au port d’Astrakan, l’ambassadeur du roi d’Hircanie trouva sa barque prête. Il ne jugea pas nécessaire d’attendre l’envoyé d’Ivan IV et d’Elisabeth. Pour le suivre sans trop de retard, ce dernier déployait toute son activité ; ce ne fut néanmoins qu’au bout de trente-cinq jours qu’il put songer à se mettre en route. Le plus difficile avait été de se procurer un bateau convenable. Le bateau nolisé, il fallut l’équiper et y arrimer les marchandises que Jenkinson, avec l’assentiment des agens de la compagnie, avait, pour remplacer ses kersies vendus, tirées du magasin de Moscou. 50 mousquetaires, embarqués sur deux, brigantins, accompagnèrent la barque de Jenkinson jusqu’au moment où elle eut dépassé certains endroits, habituellement infestés de pirates ; ils l’abandonnèrent ensuite à son sort. Le 19 juillet, Jenkinson voguait à pleines voiles, hors de vue de la terre, n’appréhendant plus aucun risque, ne pressentant devant lui nul écueil, quand tout à coup il tombe au milieu de bancs qui s’étendaient sur un long espace. Peu s’en fallut que l’ambassade ne disparût dans ce péril vulgaire. « Nous ne nous en tirâmes, écrit Jenkinson, que par miracle. »

Le 22 juillet, la barque n’avait pas encore atteint les côtes du Daghestan, elle se trouvait à 149 milles environ des bouches du Volga. Le vent était contraire et tendait à fraîchir. En pareille occurrence, un chétif bateau peut-il rien faire de mieux que de relâcher ? Une grande et belle île que Jenkinson désigne dans son itinéraire sous le nom d’île Chatalet, semblait, avec le vent régnant, devoir offrir, un excellent abri. Il fut malheureusement impossible d’arriver jusqu’à ce refuge. Jenkinson dut se résigner à laisser tomber l’ancre à 6 milles sous le vent par trois ou quatre brasses. On se trouvait à peu près en face de Manguslav, sur la rive opposée de la mer Caspienne. « Cette partie de la côte, nous apprend le vaillant agent de la compagnie moscovite, s’appelle Shascayl ou Coumyk. C’est un pays habité par des mahométans. Nous avions mouillé deux ancres, nous en perdîmes une et nous n’en possédions pas de rechange. Le vent et la mer augmentaient toujours, notre