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voit, au règne des époux catholiques Philippe et Marie. Pour la fille d’Anne de Boleyn, le fils de Jeanne Seymour est un prédécesseur ; la fille de Catherine d’Aragon semble n’avoir jamais existé. Elisabeth poursuit : « L’abondance de votre bénignité, écrit-elle au tsar, s’est surtout montrée dans la réception que vous avez faite à notre fidèle et aimé serviteur Anthony Jenkinson, le porteur de cette lettre. Nous vous en exprimons toute notre gratitude. Ce ne sera pas seulement pour nous un perpétuel et reconnaissant souvenir ; nous voudrions pouvoir répondre à vos bienfaits par un bienfait pareil. Votre majesté, nous ne le mettons pas en doute, prendra en considération notre requête. A cet Anthony, aujourd’hui engagé à notre service, recommandé par nous, elle accordera certainement la faveur que, de son propre mouvement, elle lui octroya quand il n’était encore qu’une personne privée. Elle lui fera délivrer un passeport, des lettres de circulation, un sauf-conduit ; Anthony pourra ainsi parcourir librement vos domaines avec ses marchandises et ses serviteurs. De la bonté dont nous avons déjà éprouvé les effets, nous attendons cependant plus encore. Votre majesté, — telle est notre prière et tel est notre espoir, — daignera recommander notre serviteur aux princes étrangers, notamment au grand-sophi, empereur de la Perse, dans les possessions desquels Anthony se propose de voyager. »

Shah-Tamasp n’était pas un aussi puissant souverain qu’Ivan Vasilévitch, il ne possédait pas cependant moins de titres. La chancellerie britannique trouvait là une occasion peu commune de déployer compendieusement son savoir. Elle n’eut garde de la laisser échapper. Ce fut au grand-sophi, empereur des Persans, des Mèdes, des Parthes, des Hircaniens, des Carmaniens, des Margiens, des peuples qui habitent de ce côté et au-delà du Tigre, de toutes les nations comprises, entre la mer Caspienne et le golfe Persique, que la reine d’Angleterre, de France et d’Irlande, dans la troisième année de son règne, le 25 avril 1561, adressa son fidèle et bien-aimé Jenkinson. « Accordez-lui, mandait-elle au sophi, de bons passeports et des saufs-conduits à l’aide desquels il puisse, avec ses marchandises, parcourir vos domaines, vos juridictions, vos provinces, et y séjourner aussi longtemps qu’il lui conviendra. — De cette façon, ajoutait la reine, l’univers apprendra que ni la terre, ni les mers, ni les cieux, n’ont autant de pouvoir pour nous séparer que l’heureuse disposition de l’humanité et une bienveillance mutuelle n’en ont eu pour supprimer entre nous les distances. »

Jenkinson allait donc être, dans cette nouvelle campagne, le serviteur attitré de la reine ; il n’avait pas cessé pour cela d’être avant, tout le serviteur de la compagnie. Le.bon ship le Swallow était