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Américains n’aient point par instans l’idée d’y mettre la charge de poudre et de l’enflammer pour pousser jusqu’au bout l’épreuve. Tout travaille, tout est en mouvement : les machines à lithographier, à imprimer sont en jeu ; un double de celles qui tirent le Herald ou le Times de New-York fonctionne tous les matins. La composition, stéréotypée par un procédé spécial, a été envoyée de New-York par le premier tram, et la machine imprime et vomit jusqu’à 30,000 exemplaires à l’heure, soit 8 par seconde. On les donne gratuitement, et c’est à qui tendra la main. Il y a là de quoi lire, huit pages au moins de six colonnes chacune, et de très petits caractères : c’est quatre fois le contenu d’une de nos gazettes. L’Américain ne perd jamais de vue le rôle que joue la presse dans l’éducation populaire, et il consacre à l’impression des journaux une partie de son genre d’invention. Quoi de plus ? Voici un atelier de préparation mécanique des minerais d’argent, qui broie, lave, malaxe avec le mercure la pierre métallique, à grands frais amenée des lointaines mines de la Sierra-Nevada, puis traite l’amalgame au feu, en tire le lingot d’argent et le raffine. En vérité, quand les expositions arrivent à ce degré d’enseignement, elles méritent d’être encouragées. Ce ne sont plus seulement de grandes foires industrielles, destinées à remplacer celles du passé, ce sont des jeux olympiques d’un nouveau genre où le peuple accourt pour s’instruire et où il s’instruit sans se fatiguer, par le plaisir des yeux.

Ce n’est pas seulement par les machines que les Américains se distinguent. Il sera peut-être impossible de voir dans une autre circonstance, présentés avec un tel luxe, tous les livres, les méthodes, les cahiers, les cartes, les collections, les divers appareils relatifs à l’éducation et à l’enseignement. En Amérique, l’éducation fait partie du système de gouvernement. Tous les enfans vont à l’école s’asseoir sur les mêmes bancs, l’instruction est gratuite, dans quelques états obligatoire, et tous les états luttent d’émulation entre eux à qui aura les plus belles écoles. Toutes sont riches, bien dotées, d’abord par le gouvernement fédéral, qui leur consacre un lot déterminé de la vente des terres publiques, ensuite par la commune, au moyen d’une taxe levée sur les habitans. Il n’est pas rare aussi qu’un citoyen généreux fasse un don important à une école ou en crée une de ses deniers, comme cet Ezra Cornell qui a donné récemment 5 millions de francs et 100 hectares de terres pour fonder le collège d’Ithaque (état de New-York). En France, nous consacrons à peine chaque année une cinquantaine de millions à l’instruction publique ; les États-Unis y emploient dix fois plus, et le seul état de New-York, qui n’a pas 5 millions d’habitans, dépense à lui seul autant que la France pour le budget de l’éducation populaire. Aussi toutes les écoles prospèrent, les plus honorables d’entre les