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agace le visiteur, a soulevé les plaintes de tous. Ajoutons que les catalogues sont très incomplets, souvent inexacts, que beaucoup de nations y sont omises ; sous ce rapport, l’exposition de Philadelphie n’est certainement pas en progrès sur ses aînées. L’indécision, le tâtonnement, n’ont cessé dès le premier jour de présider à toutes les mesures des commissaires. Il est vrai que les Américains, habitués à aller de l’avant en casse-cou, ne se piquent dans tout ce qu’ils font ni d’un excès de logique ou de prévoyance, ni d’un ordre parfait, et qu’ils persistent peut-être à penser que tout est pour le mieux dans la meilleure des exhibitions possibles.

Les récompenses ont été discutées par un jury international. Le nombre total des membres de ce jury a été porté à 250, dont la moitié seulement sont Américains. Les divers juges ont ensuite été distribués en autant de groupes qu’il y en a dans la classification définitivement adoptée, laquelle en compte 28 ; mais chaque groupe évidemment ne comprend pas le même nombre de jurés : cela dépend de son importance et du chiffre des exposans dans ce groupe. Aux États-Unis, l’on ne fait pas grand cas des positions purement honorifiques ; c’est pourquoi chaque juré étranger a reçu comme indemnité, du comité financier de l’exposition, la somme de 1,000 dollars, et chaque juré américain celle de 600 : le dollar en papier-monnaie ou vulgairement le greenback, la seule monnaie courante aujourd’hui, vaut en ce moment à peu près 4 fr. 60 centimes.

Le mode de récompense adopté est des plus malencontreux : aucun rang, aucune différence, mais une médaille uniforme pour tous, en bronze, du même module, pour l’honneur, honoris causa, comme on disait à Londres en 1862, où un système à peu près semblable fut aussi adopté. À cette médaille est joint un rapport signé par la majorité des membres du jury compétent. L’exposant fera, s’il le veut, de ce papier une réclame à l’américaine, et mettra sur ses prospectus les signatures autographiées de ses honorables juges. Triste besogne pour le jury, auquel il a fallu remplir des milliers de formules en blanc, sans trop savoir comment varier l’éloge ; triste besogne pour les commissaires américains du bureau des récompenses, qui ont dû réviser trois mois durant ces liasses formidables ; triste lot pour les exposans qui ont ignoré, pendant tout ce temps, s’ils étaient ou non médaillés. C’est seulement le 27 septembre qu’a eu lieu la distribution des prix. Il a été accordé 11,000 médailles dont 6,000 aux exposans européens. Sur ce dernier chapitre, la France a obtenu 600 médailles, et a été beaucoup applaudie. Quoi qu’il en soit, ce mode de récompense est vicieux. Le grand constructeur, le grand industriel, qui font tant de frais de toute sorte pour prendre part à cette solennité, n’y sont pas distingués du plus mince exposant. Et puis aucune médaille collective,