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majorité dans les deux chambres, de l’élever comme un drapeau au-dessus des vieux partis, et de dire : « Qui n’est pas pour ce programme, sans réticences et sans réserves, n’est plus avec la majorité ni avec le gouvernement qu’elle est décidée à soutenir, la république, ouverte à tous, sous la seule condition d’une adhésion sincère, la constitution acceptée avec son principe, et aussi avec toutes ses dispositions essentielles ; toutes les libertés compatibles avec l’ordre public ; une administration progressive sans utopie, conservatrice sans routine : voilà résumée en quelques mots la poétique où il n’y a point de choix à faire. Désormais, amis et adversaires de gauche ou de droite se reconnaîtront à ce signe, qu’il en faut tout prendre ou tout laisser. Toute autre conduite ne pourrait que nous ramener ces majorités équivoques avec lesquelles nul gouvernement digne de ce nom n’est possible. »

En ce moment, tous les membres du parlement et du gouvernement, ministres, sénateurs, députés, vivent au sein de nos populations ; ils assistent au spectacle rassurant de leur vie calme, de leur activité incessante, qui ne demande qu’à travailler en sécurité ; ils entendent leurs confidences sur le besoin de paix, extérieure et intérieure, d’ordre, de mouvement régulier dans le jeu de nos institutions ; ils voient leur peu de goût pour tout ce qui ressemble au bruit, à l’agitation du parlement et aux crises de gouvernement. En venant siéger au palais de Versailles, ils ont pu se méprendre sur le véritable état du pays, plus ou moins ému par les incidens et les vicissitudes de la lutte électorale. On était aux prises alors avec des adversaires qu’il fallait malmener ; on jetait feu et flamme en criant, les uns : « gardez-vous de l’ancien régime, qui va revenir ; les autres : gardez-vous de la commune, qui reparaît. » Pendant qu’on évoquait dans les sacristies le spectre rouge de la révolution, on évoquait dans les clubs le spectre noir de la superstition et de l’inquisition. Toutes ces fureurs de paroles, toutes ces passions de parades ont fini avec la lutte. Le pays a repris son assiette ordinaire, qui est le calme, l’ordre dans un travail dont peu de nations offrent un aussi admirable exemple. Les arbitres de nos destinées, nos souverains avec le président, et après le pays, bien entendu, vont se réunir pour commencer leur seconde session. Ressemblera-t-elle à la première, qui a tout ajourné, même le budget ? Sera-t-elle aussi vide de discussions fécondes et de résultats utiles au pays, aussi pleine de récriminations passionnées, aussi prodigue de brait, aussi avare de lumière, au moins dans la. chambre des députés ? Ce ne serait plus seulement un temps précieux perdu, et une attente générale déçue ; ce serait le début d’une crise grave, parce que le pays commencerait à en deviner la cause, à savoir l’impuissance du parlement a faire une majorité de gouvernement. Alors les