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n’est féconde et que la politique libérale n’est sûre qu’autant que ces deux politiques se rencontrent et s’entendent. L’une est l’aiguillon et l’autre le frein des gouvernemens qui veulent marcher sans courir. Heureux les pays où, comme en Angleterre, le progrès est compris par tous les partis, où conservateurs, libéraux et même radicaux finissent toujours par s’entendre sur les réformes comme sur les libertés nécessaires, où ce sont des tories qui accomplissent les plus grandes réformes de la législation et de l’économie politique ! Voilà ce que nous souhaitons à notre république : deux grands partis de gouvernement qui, sous le même drapeau, travaillent de concert, chacun à sa manière, en se succédant au pouvoir, à l’affermissement de nos institutions et à la prospérité du pays. N’était-ce pas aussi le vœu de M. Gambetta lui-même, dans un de ces discours où il conviait tous les partis à faire la répupublique ? Seulement, nous permettra-t-il de lui recommander la sagesse, la patience, le désintéressement des radicaux anglais, bien plus soucieux du triomphe de leurs idées que de la possession du pouvoir ?

Une politique républicaine, constitutionnelle, conservatrice, libérale, ainsi entendue : tel est le programme que la situation du pays et le salut de nos institutions nous semblent imposera la sagesse du parlement ; rien de moins nouveau, mais rien de plus nécessaire à notre avis : nous croyons qu’il n’omet rien d’important et ne contient rien d’inutile. Sur un pareil programme y a-t-il une majorité possible ? A ne considérer que la question des principes, non-seulement nous le croyons, mais nous ne voyons même pas comment on ne pourrait pas s’entendre. De toutes les conditions qu’il renferme, quelle est celle qui pourrait faire difficulté, soit à droite, soit à gauche ? Est-ce la politique républicaine ? Mais la très grande majorité dans la chambre des députés, et une majorité certaine dans le sénat n’en comprennent pas d’autre sous un gouvernement républicain avec l’explication qui en a été donnée. Est-ce la politique constitutionnelle ? Mais adroite comme à gauche, du moins au sénat, la même majorité accepte franchement la constitution, peut-être, il est vrai, pour des raisons différentes, les uns y voyant surtout la confirmation constitutionnelle du principe républicain, les autres s’y attachant particulièrement aux garanties conservatrices que contient cette constitution. Qu’importe, pourvu que l’adhésion soit sincère de part et d’autre ? Est-ce la politique libérale ? La droite n’oserait la repousser, et nous croirions lui faire injure que de douter de son libéralisme conservateur. Quant à la gauche, la liberté est le premier principe de sa politique ; elle vient même avant la république qui n’en est que l’application rigoureuse et complète. Est-ce la politique conservatrice ? La gauche, à son tour n’oserait, et n’a d’ailleurs nulle