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juridiction pour les prévenus. Ainsi, dans la loi municipale, elle a imposé au gouvernement libéral, mais conservateur, de M. Dufaure l’élection des maires par l’immense majorité des conseils municipaux, concession qui n’eût peut-être pas été acceptée par le sénat, si la sagesse de celui-ci n’eût voulu éviter une crise, même en désarmant le pouvoir, comme l’ont si bien démontré M. Grivart et M. Bocher. Ainsi encore, maîtresse absolue dans la commission du budget, la gauche républicaine, d’accord avec la gauche radicale, a refusé au ministre de la guerre les crédits affectés aux aumôniers militaires, sans s’assurer si la suppression de ces aumôniers ne rendait pas aux soldats la pratique des devoirs religieux plus difficile ; elle a refusé au ministre de la justice le modeste supplément demandé pour les prêtres desservans, quand elle accorde, avec grande raison et toute justice, tout ce que demande le ministre de l’instruction publique pour les besoins de la science et de l’enseignement. La justice pour tous les services et la sympathie pour tous les besoins, n’est-ce pas une bonne manière de faire aimer la république, comme l’a si bien dit M. Jules Simon ?

Quant au centre gauche de la chambre des députés, il a plus que la gauche le sentiment des nécessités de la situation et l’intelligence pratique des affaires. Il n’a pas sur les choses et les personnes les préjugés et les préventions de la gauche ; il n’a ni sur la monarchie, ni sur la religion, ni sur l’église, ni sur le parti clérical les mêmes dédains ou les mêmes appréhensions que l’extrême gauche et même que la gauche, il ne mêle pas, dans sa politique, le sacré au profane, la théologie à la pratique des affaires. Ce n’est point à dire qu’il ait plus de foi dans le Syllabus que les autres groupes républicains ; mais il ne fait point entrer dans son programme la guerre aux doctrines de la cour de Rome. Il a le respect des choses du passé, alors même qu’il n’en a plus le goût ; ce n’est pas le républicain du centre gauche qui oublierait que la monarchie des Bourbons a fait la France, et que la religion est encore aujourd’hui la grande école de morale populaire. Il paraît donc naturellement appelé par ses aptitudes au gouvernement de la république libérale et conservatrice ; seulement le nombre lui manque, dans le pays et dans la chambre des députés. Si sa politique est toujours le mot d’ordre de la majorité républicaine, il n’est plus le groupe prépondérant auquel viennent se rallier les autres groupes : il n’a plus le poids du nombre, outre l’autorité de son programme, comme dans l’ancienne assemblée. Il n’est pas resté sur le champ de bataille dans la lutte électorale, comme les trois groupes de la droite, mais il en est sorti mutilé et diminué, en sorte qu’il compte plus aujourd’hui par l’influence et l’activité de ses chefs que par le nombre et l’ardeur de ses soldats. Il semble qu’il ait maintenant la conscience