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gauche et de droite appellent la logique et la vérité. MM. de Lorgeril, de Franclieu, de la Rochette, plus violent encore que son père contre les constitutionnels du centre droit, pourraient sourire de se voir ainsi classer ; ils n’en sont pas moins radicaux sans le savoir. MM. Louis Blanc, Madier de Montjau, Marcou, Turigny, ne peuvent s’en plaindre ; si cela fait leur faiblesse et leur impuissance en pratique, cela fait aussi leur force et leur honneur en théorie. Et si l’on voulait chercher des types de l’espèce, en dehors des partis politiques, combien n’en trouverait-on point parmi les écrivains, les poètes, les moralistes, les philosophes, tous plus occupés à contempler l’idéal qu’à bien observer la réalité ! Quel penseur de nos jours n’a pas fait son petit voyage dans le pays des utopies, et qui pourrait parler sans respect d’une école qui compte dans l’histoire des héros et des martyrs, sinon des hommes d’état ?

Après cette parenthèse, revenons à la chambre des députés, à la majorité républicaine et au groupe radical. Ce groupe se distingue essentiellement des deux autres, la gauche et le centre gauche, en ce qu’il n’accepte la constitution qu’on lui a fait voter malgré lui, que provisoirement et pour la remplacer, quand l’heure sera venue, par une autre fondée sur des bases toutes différentes. Pas de suspension ni de dissolution de l’assemblée élue par le suffrage universel, pas de président irrévocable, encore moins rééligible, pas de sénat ; une assemblée unique et souveraine qui n’a à compter qu’avec le pays, la république mise au-dessus, non-seulement du droit parlementaire, mais même au-dessus du droit populaire, en un mot le gouvernement de la démocratie absolue, sans un seul de ces correctifs, sans une seule de ces garanties dites conservatrices qui l’énervent, la paralysent et l’humilient : tel est le programme constitutionnel des radicaux. Le nombre de ces radicaux, nous en convenons, n’est pas considérable dans les chambres actuelles, il est plus redoutable par la parole que par le vote ; mais il ne faut point oublier que c’est l’état-major d’une grande armée qui se recrute dans les centres de population ouvrière, à Paris, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à Lille, dans le peuple des villes de quelque importance, et enfin partout où il y a des ateliers et des usines. Si le parti radical compte peu par le nombre dans les votes parlementaires, il compte pour beaucoup dans les élections populaires, où il fait prévaloir ses candidatures ou les candidatures d’une nuance républicaine moins colorée, quand il ne dispose pas de la majorité. Les autres groupes le savent par expérience, et doivent ménager ce parti, sous peine de ne plus retrouver, dans la mêlée électorale, l’appoint dont ils ont besoin pour s’assurer le succès, Quand donc des voix républicaines s’élèvent dans le parti républicain contre une alliance qu’on trouve compromettante et