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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1876.

Avant que l’Europe soit délivrée, ne fût-ce que momentanément, de cette question orientale qui pèse sur son repos, avant qu’elle voie se dissiper à demi ce nuage sanglant qui ne cesse de la menacer, elle a sans doute encore plus d’une difficulté à vaincre, plus d’une complication à déjouer. Elle semble du moins aujourd’hui se décider à sortir de l’expectative, à faire avec plus d’ensemble et de résolution ce qu’elle n’a fait qu’incomplètement et infructueusement avant la guerre ; elle sent le besoin de s’entendre, d’interposer son autorité morale et diplomatique, de ne pas laisser plus longtemps en un mot les événemens livrés à eux-mêmes.

Les combats qui ont signalé les premiers jours du mois et où, à défaut d’une victoire décisive, les Turcs ont eu d’évidens avantages sur les Serbes, Ces combats de la Morava ont été une occasion favorable. Précisément parce qu’ils ne décidaient rien, parce qu’ils laissaient les armées en présence, ils ont créé une possibilité de trêve et de négociation, dont l’Europe s’est empressée de profiter pour reprendre le rôle de médiatrice, et ce rôle, l’Europe l’a repris en quelque sorte sous la pression des circonstances, avec un double sentiment qui éclate de toutes parts aujourd’hui. Avant tout, on le comprend, il s’agit de mettre fin à cette guerre des Serbes et des Turcs, à ce conflit qui dévaste les contrées de la Drina et de la Morava. Il y a trois mois, on hésitait, la diplomatie européenne n’a peut-être pas fait tout ce qu’elle aurait pu pour détourner le choc sanglant ; elle a cru devoir laisser la carrière libre aux passions belliqueuses et à la force. Désormais cette lutte, dangereuse pour les Serbes plus qu’à demi vaincus, onéreuse et embarrassante pour les Turcs eux-mêmes, qui gardent l’ascendant militaire, cette lutte ne pourrait se prolonger sans menacer l’Occident, sans risquer d’engager toutes les politiques. Pour tout le monde, la paix est la première, la plus