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tout au moins une hypothèse possible et naturelle. Un système de forces s’y prête beaucoup mieux qu’un système d’atomes étendus. Nous disons qu’il s’y prête, sans affirmer qu’il l’implique logiquement. Pour arriver à une unité de la force universelle, plus réelle que l’unité de continuité, il faut une nouvelle révélation de l’expérience. Quelle sera cette révélation ? Est-ce la conscience qui la dictera ? Rien de plus simple aux yeux de certains spiritualistes. Nous aurons la cause finale première avec tous les attributs que la conscience découvre dans la nature humaine, mais élevés à la catégorie de l’idéal. C’est l’intelligence, la sagesse, la volonté, la sensibilité même, telles qu’elles peuvent exister chez un être parfait dont le type grossier serait l’homme. La méthode psychologique ne laisse rien à désirer en fait de précision ; comme c’est à la conscience qu’elle emprunte tous les traits dont elle compose l’image de la cause première, elle dessine la figure divine dans tous ses détails. Malheureusement une pareille induction n’est pas tout à fait acceptée par les philosophes sévères, par M. Janet entre autres, dont nous avons signalé la répugnance à passer si vite et si facilement du principe de finalité à la personnification anthropomorphique de ce principe. Il nous faut donc laisser là la méthode psychologique et ce miroir de la conscience où l’être universel ne trouve pas son reflet.

La méthode dite métaphysique est-elle plus sûre ? Nous ne le pensons pas. D’abord, qu’est-ce que la méthode métaphysique, sinon l’abstraction ? Et, sauf dans les sciences mathématiques, qui n’ont pour objet que des rapports de nombre ou d’étendue, qu’a jamais découvert l’abstraction seule, sinon des entités scolastiques ? Par exemple, le dieu d’un Parménide, d’un Plotin, d’un Spinoza, nous dirions encore d’un Schelling ou d’un Hegel, si la subtile dialectique de ces derniers n’était pas dirigée et fécondée, à leur insu peut-être, par les leçons de l’expérience. C’est donc à la science seule qu’il faut s’adresser si l’on veut des enseignemens sûrs et des conclusions certaines. Seulement, ce n’est plus l’analyse, mais la synthèse scientifique qui nous donnera ce que nous cherchons. Le livre du Cosmos, tel que l’a conçu l’illustre Humboldt, n’est pas assez philosophique pour nous élever jusqu’à la pensée de l’unité de la cause finale. C’est un magnifique tableau, non un système. Et d’autre part les grandes synthèses de la philosophie allemande sont trop des systèmes et pas assez des tableaux. La logique y surabonde et la vie en est absente. L’histoire du monde ne se laisse pas enfermer dans une série de formules, quoi qu’en dise M. Taine.

En attendant ce grand livre qui devra réunir les enseignemens