Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du mot, est ruiné par la base ; le dynamisme devient le principe de toute la philosophie naturelle. Et, par parenthèse, il est curieux de voir quel abus on a fait de ce mot, soit pour glorifier, soit pour flétrir la doctrine qu’il est censé exprimer. Que de matérialistes sans le savoir parmi les adeptes les plus fervens du spiritualisme, à commencer par Platon et par Descartes, dans leur philosophie de la nature ! Et parmi ceux qu’on accuse de l’être, en leur qualité de positivistes, combien, sur la foi de l’expérience, en rejettent la donnée première. Au fond, le matérialisme n’est que la métaphysique de l’imagination ; il suffit, pour en finir avec cette doctrine, de n’être plus dupe des représentations illusoires d’une faculté aussi trompeuse.

Quand l’esprit est affranchi des préjugés de l’imagination sur l’étendue, le vide, le plein, la matière, alors seulement la lumière se fait devant lui, et il peut contempler le monde que la science lui révèle. Alors il comprend comment l’être est infini dans sa continuité, comment il remplit l’univers sans une seule lacune, comment il est à la fois le contenu et le contenant. C’est l’imagination seule qui résiste aux analyses et aux hypothèses fondées de la science. C’est la distinction toute relative du plein et du vide qui ne permet pas de concevoir la réalité autrement que comme interrompue et limitée. C’est la fausse représentation de la substance matérielle sous la forme de l’étendue, propriété purement géométrique, qui fait du monde une masse inerte, une sorte de cadavre absolument rebelle au mouvement, s’il ne lui vient pas d’ailleurs. Ici, comme dans le système du monde céleste, l’image fait obstacle à l’idée ; l’esprit ne pense pas l’univers, il ne fait que se le représenter ; mais, le nuage dissipé, le véritable aspect des choses se montre à l’intelligence, non sous le mirage du rêve métaphysique, mais sous la pure lumière de la science. Le vrai cosmos lui apparaît à la fois dans l’infinie variété et dans l’unité de ses forces distinctes et individuelles. L’être est partout, et comme l’être, tel que l’analyse scientifique nous le fait pénétrer, c’est la force, il s’ensuit que tout être n’est que force ou système de forces, et que l’univers est le mouvement universel, nous n’allons pas jusqu’à dire la vie et la pensée universelle, bien que toutes ces forces microscopiques soient des causes finales dans le sens strict du mot.

On comprend maintenant comment la science aide la philosophie à résoudre le problème de la cause première. Déjà l’on a pu voir combien le dynamisme tout scientifique, deviné par le génie de Leibniz avant d’être expérimenté par la physique et la chimie, rend la conception de l’unité cosmique plus facile à saisir que la fausse science et la fausse philosophie du matérialisme. Tandis que celui-ci supprime radicalement l’idée de l’unité, celui-là en fait