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commission parlementaire anglaise, c’est que la hausse des salaires a été la conséquence et non la cause de la hausse des prix. Voyant que le prix de vente d’une tonne de charbon augmentait par exemple de 15 francs, tandis que le prix de revient ne s’était élevé que de 1 ou 2 francs, les ouvriers ont voulu participer à ce bénéfice, souvent plus apparent que réel, parce que beaucoup de propriétaires avaient à remplir des marchés à long terme passés aux bas prix des années antérieures. Quoi qu’il en soit, les grèves aidant, les salaires ne tardèrent pas à s’élever : dans le district de Wigan, les piqueurs étaient payés, en 1873, de 12 à 22 francs par jour. Cependant en moyenne le taux des salaires ne s’est accru, en Angleterre, que de 36 pour 100.

Les ouvriers d’ailleurs tenaient bien plus à une diminution des heures de travail qu’à une augmentation de leur revenu, car l’élévation des salaires décida les mineurs à réduire le nombre des heures de travail, d’où est résultée une diminution du chiffre de l’extraction par ouvrier. Le renchérissement de la main-d’œuvre a ainsi contribué indirectement à maintenir le haut prix de la houille. L’enquête anglaise reconnaît pourtant qu’eu égard aux travaux pénibles et dangereux auxquels les mineurs sont assujettis[1], le taux moyen des salaires n’avait pas dépassé la limite nécessaire pour maintenir le chiffre de la population ouvrière au niveau des besoins. Elle admet également que les anciens prix des charbons n’offraient ni un profit raisonnable aux propriétaires des mines, ni la possibilité d’accorder aux ouvriers la rémunération à laquelle, vu la nature pénible de leurs travaux, ils devaient équitablement s’attendre. Elle constate que, si dans quelques cas le bénéfice des ouvriers a été énorme et a été dépensé avec imprévoyance, cependant, tout bien pesé, la hausse des salaires n’a point été déraisonnable, et qu’en général le sort des ouvriers a été réellement amélioré.

Du fait significatif, c’est que, malgré la hausse inouïe des prix, l’exportation des charbons anglais n’a pas diminué d’une manière sensible : en 1873, elle a un peu fléchi, mais elle s’est relevée l’année suivante ; l’importation de ces charbons en France a même augmenté, en 1873, de 300,000 tonnes. Cela prouve la ténacité avec laquelle les Anglais gardent leurs cliens. Il est d’ailleurs douteux qu’une production plus abondante nous eût préservés de la hausse : notre marché sera toujours solidaire de ceux de l’étranger, et rien n’empêchera la spéculation de prendre sa part du gâteau toutes les fois que l’occasion paraîtra bonne.

Seulement, ce qui est fort possible, c’est que dans un avenir assez

  1. Les mines sont un champ de bataille : dans les houillères anglaises, le nombre des décès causés par des accidens est d’un millier par an, de sorte que 100,000 tonnes coûtent toujours la vie à un ouvrier ; en France, on comptait 186 décès en 1866.