Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/691

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

production indigène par une extraction plus prévoyante et mieux dirigée. Déjà d’ailleurs l’exploitation des houillères anglaises tend à devenir plus économique, surtout depuis la mémorable crise de 1872. Au lieu de détruire les énormes quantités de poussier que l’on brûlait en pure perte au bord des puits, on commence à les convertir en briquettes. Des veines de moins de 1 pied d’épaisseur, que l’on dédaignait autrefois, sont maintenant jugées bonnes à exploiter. On s’applique à chercher des succédanés : on descend jusqu’à la tourbe, dont on faisait fi jusqu’à présent. D’autre part, les consommateurs deviennent parcimonieux. Dans les maisons, on introduit des foyers économiques. Les machines à vapeur réduisent leur dépense de combustible ; on arrive à ne plus brûler que 1 kilogramme ou 1 kilogramme 1/2 de charbon par cheval-vapeur et par heure ; dernièrement un steamer a réussi à réduire sa consommation à 590 grammes de charbon par cheval-vapeur. L’usage des fours Siemens se généralise dans l’industrie du fer. Sans doute, chaque économie nouvelle ne fait que stimuler la consommation ; mais on obtient de plus grands résultats à moins de frais.


III

De pareilles alarmes seraient-elles justifiées pour la France ? C’est une question qu’il importe de nous poser à temps. Sans doute, si notre production houillère continuait à suivre une progression géométrique, nous arriverions, à la fin du siècle, à une extraction de 80,000 tonnes par an, chiffre hors de proportion avec la richesse de nos bassins. Mais il est peu probable qu’une progression aussi rapide se maintienne longtemps : elle se heurterait notamment contre l’insuffisance des bras et l’élévation des salaires, qui en serait la conséquence. Le recrutement de la population minière devient de plus en plus difficile, à mesure que les exploitations descendent à des profondeurs plus grandes, et que le travail devient plus pénible et plus dangereux.

D’un autre côté, les gisemens houillers de la France sont peut-être beaucoup plus vastes qu’on ne le suppose généralement. La richesse totale de nos gisemens est très difficile à évaluer : on manque de données sur l’étendue superficielle des bassins comme sur la puissance des couches. On ne pourra en établir le bilan avec quelque certitude qu’après une enquête sérieuse, comme celle qui a été menée à bonne fin par nos voisins, enquête sur la nécessité de laquelle M. de Ruolz insiste avec force[1].

  1. M. de Ruolz donne quelques évaluations partielles : le bassin de la Loire peut renfermer environ 577 millions de tonnes, celui des Bouches-du-Rhône 63 millions, celui de la Creuse 36 millions de tonnes, etc.