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manufactures à vapeur, les usines minéralurgiques, etc., ont absorbé ensemble 34 millions, le chauffage domestique 20 millions, les mines 8 millions, la fabrication du gaz 6 ou 7 millions, la navigation à vapeur 3 millions 1/2, et les chemins de fer un peu plus de 2 millions de tonnes. Pour la France, le détail de la consommation intérieure n’est connu que d’une manière assez vague ; l’industrie du fer, les manufactures, la fabrication du gaz, consomment ensemble environ 18 millions de tonnes de houille (le quart de ce qu’elles consomment en Angleterre), le chauffage domestique 2 millions 1/2, les chemins de fer moins de 2 millions, la marine à vapeur 1/2 million de tonnes, etc.

On ne peut le nier, dans les deux pays, la consommation du charbon a fait de rapides progrès : en Angleterre, elle a doublé, en France elle a presque triplé depuis vingt ans. Cette énorme progression n’a pas laissé d’inquiéter certains économistes anglais, qui prétendirent que les gisemens houillers du royaume-uni ne pourraient, malgré leur richesse prodigieuse, résister longtemps à un pareil pillage, qu’on verrait bientôt le prix de revient du charbon s’élever d’une façon menaçante pour l’industrie, et que la période d’éclat du commerce britannique touchait à son terme. C’est sir William Armstrong qui, dans un discours qu’il prononça comme président de l’Association britannique pour l’avancement des sciences, a sonné la cloche d’alarme. C’était en 1863 ; le meeting se tenait à Newcastle, et le lieu de réunion suggérait à l’esprit des réflexions sur l’avenir de ces mines qui font la prospérité de la contrée. Dans ce discours, qui eut un immense retentissement, le célèbre ingénieur évalue, avec M. Hull, à 80 milliards de tonnes la quantité de houille exploitable, enfouie dans le sol anglais, et il en prédit l’épuisement prochain ; en admettant, dit-il, que l’extraction augmente seulement de 2 millions 1/2 de tonnes par an, il n’y en a plus que pour deux cent douze ans. M. Stanley Jevons alla plus loin : pour lui, les mines du Royaume-Uni ne pouvaient plus même satisfaire aux besoins de la consommation pendant un siècle. Depuis soixante ans, disait-il, la consommation s’est accrue dans la proportion de 1 à 7, et pourtant rien n’est fini : tous les chemins de fer réclamés ne sont pas encore construits, la navigation à vapeur n’en est qu’à son début ; dans vingt ans, l’application de la vapeur à l’agriculture aura pris une extension considérable, enfin on s’en servira dans les villes pour la distribution des eaux, pour le nettoyage des rues et des égouts, et pour une foule d’autres usages. Au surplus, le fer tend de plus en plus à se substituer au bois et à la pierre dans les constructions navales, dans le matériel d’artillerie, dans le charronnage ; on construit en fer jusqu’à des maisons et des meubles ; or on sait que chaque tonne de fer exige pour sa fabrication plusieurs