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le maximum pour l’un de 10 francs, pour l’autre de 6 francs. Ce salaire s’élève avec le prix de vente du charbon, mais rarement dans la même proportion que ce dernier. Ainsi la hausse extraordinaire qui fit monter, en 1872, le prix de la tonne de houille au carreau de 10 ou 12 francs à 20 et 25 francs, n’a augmenté le salaire, dans le bassin du Nord, que de 36 pour 100, car l’ouvrier y gagnait, dans l’année, 764 francs en 1869 et 1,060 francs en 1873.

La grande différence qui existe entre la situation matérielle de l’ouvrier anglais et de l’ouvrier français prouve bien que le salaire se règle non sur l’effort fait par les travailleurs, mais sur le résultat obtenu. « Il existe, dit à ce propos M. Levasseur, pour l’ouvrier comme pour le propriétaire, une sorte de rente dans le sens économique du mot, c’est-à-dire un avantage du à des conditions naturelles plus favorables et se traduisant par un revenu plus considérable pour un même effort. Le mineur anglais possède cet avantage sur le mineur français ; en France, certaines mines heureusement situées en jouissent, bien qu’à un moindre degré, à l’égard d’autres mines. » Malheureusement l’ouvrier ne sait pas toujours user de ces avantages de manière à les faire tourner au profit de son épargne. En Angleterre, les mineurs ont profité de la hausse pour faire réduire le nombre des heures à huit et même à sept, et tandis que, de 1868 à 1872, on peut porter en France à 281 le nombre moyen des journées de travail dans l’année, en Angleterre il se réduit à 260 journées. Pendant la même période, l’extraction s’est accrue dans les deux pays de 18 pour 100, et le nombre des ouvriers est resté à peu près stationnaire en France, tandis qu’en Angleterre il a augmenté d’un cinquième[1]. Il s’ensuit que chez nous la puissance productive de chaque mineur s’est notablement accrue, tandis que chez nos voisins elle a plutôt diminué. C’est la suite des fêtes prolongées, des chômages, des grèves. Une compagnie du bassin de la Loire se plaignait également que l’effet utile de chaque ouvrier avait diminué depuis 1866 d’environ 7 pour 100 (il était descendu de 229 tonnes par an à 213).


II

L’industrie, ce Gargantua qui se nourrit de charbon, grandit si vite que l’armée souterraine qui lui fournisses alimens a quelque peine à suivre les progrès de sa voracité. En 1872, l’Angleterre a consommé 110 millions de tonnes de houille. Sur cette quantité, l’industrie du fer a usé à elle seule 35 millions de tonnes ; les

  1. En 1874, les houillères anglaises occupaient 418,000 hommes, les houillères françaises 86,000.