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une partie des charbons dont elle aura besoin ; nous ; verrons qu’il y a là une question de topographie, une fatalité géographique : contre laquelle il serait inutile de lutter.

Tout autre est la situation de la Grande-Bretagne. D’abord sa production houillère est depuis longtemps environ huit fois plus considérable que celle de la France. Comme la statistique des mines n’est régulièrement tenue en Angleterre que. depuis 1854, on ne peut donner pour les années antérieures que des estimations grossières. En 1800, on suppose que l’extraction atteignait déjà 10 millions de tonnes ; en 1840, elle était comprise entre 30 et 40 millions ; en 1855, elle atteignait 64 millions. En 1869 et en 1872, elle dépasse 107 et 123 millions de tonnes ; elle a donc augmenté, en trois ans seulement, de 16 millions de tonnes, c’est-à-dire d’une quantité équivalente à la production actuelle de la France. En 1873 et en 1874, d’après les Statistiques minérales de M. Robert Hunt, la production houillère du royaume-uni paraît avoir été respectivement de 127 et de 125 millions de tonnes. Ces évaluations sont données en tonnes anglaises ; on aurait des chiffres un peu plus forts en les réduisant en tonnes métriques[1]. Pour se faire une idée de cette colossale production, on n’a qu’à se figurer le volume qu’elle représente : il y aurait là de quoi bâtir, le long du chemin de fer de Paris à Marseille, un mur de charbon qui aurait 10 mètres de haut et 17 mètres de large.

D’après ces estimations, le chiffre de l’extraction semble doubler chez nos voisins à peu près tous les quinze ans ; la progression est un peu moins rapide qu’en France. Mais on comprend qu’avec une pareille production l’Angleterre puisse se suffire à elle-même et en donner aux autres : son importation est nulle, et l’exportation représente depuis vingt ans, d’une manière assez constante un dixième du produit total des mines. Ainsi elle était en 1872 de 13 millions de tonnes, dont la France et l’Allemagne ont reçu chacune 2 millions, la Méditerranée et la Mer-Noire 2 millions 1/2, etc. Si des 123 millions de tonnes que les mines ont fournis la même année on ôte les 13 millions qui ont été expédiés aux nombreux cliens de l’Angleterre, il reste encore 110 millions pour la consommation totale, à l’intérieur. C’est cinq fois la consommation de la France ; mais, pour la production des deux pays, le rapport est, comme nous l’avons vu, celui de 1 : 8.

Cette disproportion entre la production houillère de la Grande-Bretagne et celle de la France est malheureusement dans la nature

  1. Il nous a paru préférable de conserver, toutes les fois qu’il s’agit de l’Angleterre la tonne anglaise, que l’on évalue généralement à 1,016 kilogrammes pour les métaux, et à 1,066 kilogrammes pour les minerais et la houille. Les 127 et 125 millions de tonnes, anglaises valent donc 135 et 133 millions de tonnes métriques.