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condamne à être emprisonné suivant le bon plaisir de la congrégation. Ce décret ne fut point, comme on l’a cru, une simple démonstration destinée à maintenir aux yeux du public la réputation de sévérité du tribunal en ménageant le coupable ; il fut exécuté à la lettre, comme l’atteste la concordance des documens relatifs à cette partie du procès.

Interrogé une dernière fois, le 21 juin, Galilée fut sommé d’avouer s’il soutenait ou s’il avait jamais soutenu l’opinion que le soleil est le centre du monde et que la terre se meut. Il répondit humblement que depuis l’arrêt de la congrégation de l’Index en 1616, il avait toujours tenu et tenait encore pour « très vraie et indubitable » l’opinion de Ptolémée. Cette réponse n’ayant point paru suffisante, le père-commissaire insista pour savoir la vérité et finit par déclarer que, si on ne l’obtenait pas tout entière, on en arriverait à la torture. « Je suis ici pour obéir, » répondit Galilée avec une sorte de terreur. Le texte de la sentence porte qu’on procéda contre lui plus rigoureusement encore. « Comme il nous semblait que tu n’avais pas dit la vérité tout entière au sujet de ton intention, nous avons jugé nécessaire d’en venir à l’examen rigoureux. » Dans la langue de l’inquisition, l’examen rigoureux signifie purement et simplement la torture ; c’est le terme légal recommandé par les juristes, employé régulièrement dans les sentences qui condamnent l’accusé à la cruelle épreuve de la corde. « Quand l’accusé, disent les traités de droit inquisitorial, ne se sera pas justifié des charges qui résultent contre lui du procès, il est nécessaire d’en venir contre lui à l’examen rigoureux, la torture ayant été inventée pour suppléer au défaut des témoignages. » Dans deux manuscrits de la première moitié du XVIIe siècle, tous deux relatifs aux procédures du saint-office, les deux mots examen rigoureux sont indiqués comme la formule dont il convient que les juges se servent pour prescrire l’application de la torture.

On pourrait conclure du texte de la sentence, du décret pontifical que nous avons cité et du résumé des actes du procès, que Galilée a été réellement soumis à la torture, si l’on retrouvait parmi les documens le procès-verbal de l’examen rigoureux, comme on retrouve les procès-verbaux des examens antérieurs. La règle de l’inquisition était constante : le notaire ou greffier du saint-office assistait à tous les interrogatoires et reproduisait minutieusement les paroles du patient ; tous les détails de l’examen rigoureux étaient consignés sur un registre, depuis le moment où l’on signifiait à l’accusé qu’il allait être conduit au lieu du supplice jusqu’à celui où on le détachait de la corde. Si l’on ouvre les procès-verbaux de ces terribles séances, on y lit toutes les paroles que prononce le patient, pendant qu’on le déshabille et qu’on l’attache, toutes les réponses qu’il