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moins ardemment embrassé le projet d’une chambre des communes, semblable à nos parlemens, sans très bien se rendre compte de ce qu’on appelle le système parlementaire, ni de ses conditions d’existence. L’agitation à cet égard a été des plus vives et des plus inquiétantes pour le cabinet, qui savait trop bien qu’il n’aurait que des ennemis dans une chambre élue. Les partis se faisaient de cette réclamation une arme contre lui ; les mémoires, les démissions, les maladies simulées, précurseurs ordinaires des coups de tête, les rassemblemens de samuraï prenaient une tournure fâcheuse ; il fallut parlementer et enfin céder.

Les essais faits jusqu’à présent n’étaient pas de nature à encourager beaucoup des innovations de ce genre ; le parlement fondé en 1868, sous le nom de gi-dji-in, pour satisfaire au serment prêté par le chef de l’état, avait été dissous en 1869, comme incapable. Mis en demeure cependant de satisfaire aux sommations qui l’accablaient de tous côtés, le gouvernement s’est gardé cette fois d’une complète et maladroite imitation des institutions européennes. Tant s’en faut en effet qu’on puisse prendre à la lettre les mots de sénat et de chambre basse par lesquels on a traduit les noms des deux corps nouvellement constitués. Le Japon n’est pas le seul pays où l’on aime à décorer de titres pompeux les réformes les plus modestes et où les révolutions s’arrêtent à la terminologie. Il existait sous le nom de sa-in une sorte de conseil d’état dont la compétence était fort mal définie et les occupations presque nulles ; il fut aboli, et les membres en furent pour la plupart nommés au gen-ro-in (assemblée des vieillards), créé par un décret du 17 avril 1875, qui ne définit ni les attributions, ni la composition du corps qu’il institue. On y nomma, outre des fonctionnaires en activité, quelques anciens daïmios, fantômes d’aristocratie destinés à simuler une chambre haute : ce fut le sénat. Le mikado en fit l’ouverture le 5 juillet et prononça un discours où il était question des pouvoirs législatifs de l’assemblée. Mais l’activité législative ne s’est pas manifestée ; le nouveau corps n’est même pas consulté sur les questions les plus graves ; il s’est borné tout d’abord à discuter son règlement, c’est-à-dire l’étendue de ses pouvoirs ; après des débats orageux qui ont occasionné la retraite du prince de Satzuma (jusque-là ministre de gauche, sa-dai-jin) l’accord n’ayant pu s’établir entre lui et le gouvernement, il a été finalement prorogé. Une commission de préparation des lois dépendant du conseil suprême a été instituée à sa place et le cabinet seul a continué, comme par le passé, de légiférer sans contrôle.

Comme tous les essais du même genre, la création de cette chambre avait surtout pour objet de fournir une retraite honorable aux vétérans des partis ; quelques Européens y sont attachés en