Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paternel dont nous ne retrouvons nulle part la trace dans notre passé européen.

Mais si le maître apparent des destinées du pays ne l’est pas en réalité, qui donc l’est sous son nom ? C’est une coalition dont la formation remonte à 1867. Quand la vieille organisation féodale établie par Yéyas au XVIIe siècle, minée par le temps, par les dissensions des clans et par l’arrivée des étrangers, eut donné des signes visibles de décrépitude, l’idée vint à quelques hommes de la cour de Kioto de reprendre à leur profit l’exercice de cette puissance que les shogun avaient de fait, sinon de droit, détenue pendant près de trois siècles. Ils n’avaient pas de forces militaires ; ils en cherchèrent auprès des grands daïmios, jaloux depuis longtemps du shogun et las d’une souveraineté plus nominale qu’effective. Les princes de Satzuma, Tosa, Nagato, Hizen, prêtèrent leurs soldats ; les défenseurs du shogun ne tinrent nulle part contre la bannière impériale déployée par leurs adversaires ; le shogun prit la route de l’exil, et le mikado, amené de Kioto à Yeddo, inaugura une nouvelle ère ou nengo, celle de mei-dji (gouverner clairement). La féodalité suivit de près son chef ; les han ou provinces des daïmios furent abolis, leurs noms même changés, et l’on institua des divisions territoriales nouvelles, les ken, à la tête desquels furent mis des gouverneurs dévoués au nouveau pouvoir.

Le coup d’état avait réussi au-delà de toute espérance ; restait la partie de l’œuvre la plus difficile : partager les fruits de la victoire. Les quatre clans principaux qui l’avaient procurée espéraient bien l’avoir obtenue chacun à leur profit, et si les princes héréditaires (sauf celui de Satzuma, le fameux Saburo) se contentaient d’une indolente et opulente retraite, leur entourage contenait des hommes ambitieux avec lesquels il fallait compter, parce qu’eux seuls disposaient des troupes de leur clan, c’est-à-dire de la seule force armée dont on pût se servir. Ces hommes, pour la plupart autrefois karo (intendans ou ministres) de leur daïmio, devinrent des ministres du gouvernement nouveau qu’ils avaient fondé. Il se forma à leur suite toute une caste de postulans fort exigeans et parlant haut, qui au nom du service rendu demandèrent des places qu’il fallut leur donner. Les deux chefs originaires du mouvement, nés à la cour de Kioto, Iwakura et Sanjïo, durent subir pour employés, pour collègues, les parvenus des divers clans coalises qui regardant le pouvoir comme leur part du butin, n’attendaient leur mot d’ordre que des leaders de leur parti, sans souci des autres ministres, et apportaient dans les fonctions beaucoup moins de dévoûment à la cause de l’état qu’aux intérêts particuliers de leur petite patrie d’origine. Cette invasion eut pour résultat de remplacer d’anciens fonctionnaires nés dans les rangs de la noblesse shogunale par des