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ne pouvait refuser. L’histoire curieuse de ces premières relations nous entraînerait trop loin du sujet qui nous occupe et mérite une étude spéciale ; elle montrerait le Japon forcé dans son antique isolement, cédant à regret à la menace d’une violence qu’il ne pouvait arrêter, tiraillé entre le repentir d’avoir consenti et la crainte de se compromettre encore davantage en retirant le consentement donné, se résignant enfin à prendre de mauvaise grâce la main que lui tendaient des amis aussi gênans qu’impérieux. L’Amérique, l’Angleterre, la Russie, la France, la Prusse, l’Autriche et les états secondaires à leur suite, conclurent successivement des traités séparés mais copiés, les uns sur les autres, qui forment la base du droit international européen-japonais[1]. Ces conventions établissent le régime de l’exterritorialité plus strictement encore qu’il n’est pratiqué dans les pays barbaresques. Cinq ports seulement (aujourd’hui sept) sont ouverts aux étrangers. Dans ces ports, qui sont Yokohama, Osaka, Hiogo, Nagasaki, Hakodaté, Yeddo et Niegata,, un emplacement déterminé leur est réservé, sous le nom de concession. Là seulement ils peuvent affermer des terrains à titre d’emphytéose, bâtir ou acheter des maisons, mais sans jamais devenir pleins-propriétaires du sol. Dans l’étendue de la concession, il n’y a d’autre autorité municipale que celle des consuls ; eux seuls exercent la juridiction sur leurs nationaux, et dans un procès entre deux parties de nationalité différente, la compétence appartient au consul du défendeur. Bien plus, un procès intenté par un Japonais contre un résident européen doit être porté devant le consul de celui-ci ; un délit commis par un Européen est jugé par le consul, conformément à la loi nationale du délinquant, — de telle sorte que l’état japonais, abdiquant le plus précieux attribut de la souveraineté, renonce à la fois à juger les délits et à imprimer législativement le caractère de délit à tel ou tel acte. Il n’a ni pouvoir réglementaire, ni pouvoir judiciaire à l’égard des étrangers. D’autre part, l’étranger est parqué dans des concessions étroites autour desquelles il ne peut se mouvoir qu’à une distance maximum de 10 ri (40 kilomètres) ; il lui est interdit de circuler dans l’intérieur, à moins d’être pourvu exceptionnellement d’un passeport, que le gouvernement est libre de refuser, sauf aux ministres et aux consuls. La liberté commerciale n’est soumise à d’autre restriction que la défense d’importer, pour compte d’autre que le gouvernement, des munitions et des armes de guerre, et de payer des droits de douane très modérés.

Telles sont les principales stipulations qui, avec quelques règlemens postérieurs, forment la base des rapports diplomatiques

  1. Celui que le baron Gros signa au nom de la France date du 11 octobre 1858.