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anglais, montre-nous ta merci, étends sur nous ta faveur et donne l’ordre que nos avances nous soient remboursées. » Ivan IV se plaisait à prendre les agens de la compagnie moscovite pour intermédiaires de ses spéculations commerciales. Il leur remettait une somme d’argent ou de bonne cire à un prix raisonnable. La compagnie lui envoyait de Londres en échange des velours, des satins, des soieries, des draps d’or et des draps d’argent. Toutes ces opérations finissaient par créer des comptes très compliqués ; ce ne fut pas cependant de ce côté que vinrent les gros débats. Le difficile fut souvent d’obtenir le paiement de certaines dettes criardes contractées par Gregory Mekitovitch, Borozdin, Stephan Lighachof, Jean Blasghoï, Jean Sobakin, André Chelkakof, Phoma Jenskoï et Boris Gregorievitch, pour le service de la sloboda Alexandrovski, résidence favorite d’Ivan IV. 1,500 roubles prêtés en espèces, une valeur de 2,773 roubles fournie en pains de sucre, en rames de papier, en plats de cuivre, coupons de draps, plomb, étoffes de diverses sortes, constituaient une créance dont la société, si riche qu’elle pût être, ne se souciait pas de différer trop longtemps la rentrée. Les agens de Moscou implorèrent la justice d’Ivan ; ils l’implorèrent dans des circonstances où le terrible empereur avait plus d’une affaire de singulière gravité sur les bras. Leur requête aurait pu importuner le prince ; la majesté d’Ivan ne s’en offusqua pas : il exigea seulement qu’on examinât avec attention les livres de la compagnie. La compagnie établit son droit et la compagnie fut payée. Les Anglais trouveront de moins bons débiteurs chez les Hircaniens et chez les Turcomans,


III

Quand la navigation hauturière était encore dans l’enfance, quand le moindre détroit constituait, pour des nefs habituées à raser la côte, un obstacle qui les faisait hésiter, les marchands et les pèlerins, par compensation, chevauchaient avec une singulière aisance à travers les continens. Mainte contrée qui nous demeure aujourd’hui presque inaccessible a été jadis fréquentée par ces porte-balles ou par ces missionnaires. Voilà pourquoi notre science moderne, éclairée tout à coup de nouvelles lueurs, se trouve si souvent obligée de faire réparation à la géographie naïve qu’elle s’était cru, un peu à la légère, le droit d’amender. Remarquons aussi que plus d’une route, de nos jours infestée de peuplades sauvages et en proie aux bandits, a pu offrir au XIIe et au XIIIe siècle, grâce à l’unité temporaire de la nation mongole, une sécurité relative. Les tablettes d’or du grand-khan étaient un sauf-conduit que, des bords du Volga aux rives du Hoang-ho, on ne se hasardait guère à