Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’argent, ou on l’attache avec des cordons de soie garnis de broches. Les manches sont très longues ; on les relève à moitié sur le bras. Une robe moins ample, la nariadka, se porte sous la pelisse. Ce second vêtement est également boutonné jusqu’au cou. » Les boïars y ont ajouté la rubachka, grand collet de couleur qui remplace la fraise. Faite de toile de Russie et produit élégant de l’industrie indigène, la chemise montre aux manches de riches broderies en fils d’or ou de soie qui n’ont pas moins de deux pouces anglais de largeur. Des hauts-de-chausses de toile attachés à la ceinture, d’épais bas de laine, des bottes de cuir rouge ou de cuir jaune complètent, avec une calotte aux bords retroussés et un grand kolback, chapeau de feutre à peu près cylindrique orné de boutons d’argent, de perles ou de pierres précieuses, un costume que ne désavouerait certes pas un disciple de Confucius.

Le Russe ne se mettrait pas en voyage sans ceindre son sabre turc, jeter sur ses épaules son arc et son carquois ; en ville, il se contente de parer sa ceinture de deux ou trois couteaux, dont le manche d’ivoire lui est fourni par la dent du morse ; il y porte aussi la cuiller de bois, compagne inséparable du moujik. Notez encore ce détail tout tartare : les bottes ont les extrémités pointues et relevées, les talons garnis de crampons d’acier ; mais on ne trouverait pas une paire d’éperons dans tout le royaume. Conduits généralement avec un simple filet, les chevaux russes font aisément leurs 80 verstes par jour ; ils n’ont pas besoin pour cela d’être éperonnés. On les pique une fois et ils partent ; leur cavalier se sert à peine du fouet pour les exciter en les frappant de temps en temps sur les côtes. Attelés à un traîneau, ces mêmes chevaux parcourront 400 milles anglais en trois jours. Un Russe qui se respecte ne sort jamais à pied : en hiver, il a son traîneau ; en été, son cheval. À cheval, il est accompagné d’un serviteur qui le suit en courant, accompagné également d’un cosaque qui porte son feutre pour le préserver de la pluie. Dans son traîneau, il s’assied seul, à demi-couché sur un tapis ou sur une peau d’ours blanc ; les domestiques prennent place sur la flèche ; le conducteur du traîneau, — souvent un enfant, — enfourche le cheval qui secoue, impatient, les queues de loup et de renard dont son cou est orné. Le traîneau glisse à fleur de sol avec la rapidité de la pierre qui s’échappe de la fronde, et la neige crie gaîment sous les fins sabots qui la font craquer.

Les bords du Don et du Volga, les steppes de la Tartarie ont leurs troupes de chevaux sauvages, comme les provinces septentrionales ont leurs troupeaux de rennes. Les moyens de transport ne manquent donc pas en Russie ; il n’y existe cependant qu’une saison où l’on puisse, à moins de s’embarquer sur un fleuve, songer à franchir les énormes distances qui séparent les diverses provinces de