Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
545
COUSIN ET COUSINE.

À midi, je le trouvai de nouveau sur pied, habillé, rasé et beaucoup plus calme.

— Pauvre ami, dit-il, vous avez accepté une lourde corvée, mais elle touche presqu’à sa fin.

Je ne savais quel moyen employer pour dissiper ses idées noires. Par bonheur, il exprima quelques instans après le désir de voir Oxford. Je m’empressai de saisir la balle au bond, et une demi-heure après nous étions en route pour la vieille université.

IV.

Je ne connais aucune ville anglaise qui m’ait plus vivement intéressé qu’Oxford. Il serait difficile de décrire l’impression complexe que produisent cette cité à la fois si calme et si vivante, ces monumens gothiques où s’agite une jeune génération. Partout dominent les souvenirs de la vieille université. Sous ces porches aux pierres grises, s’ouvrant avec une noble hospitalité sur de sombres jardins faits pour reposer les yeux fatigués par la lecture, on se sent transporté au milieu des cloîtres studieux du moyen âge.

À peine arrivé, Série voulut parcourir la ville.

— Il me semble que je la connais, me dit-il, laissez-moi vous servir de guide.

En effet, il me conduisit tout droit au pont qui passe sous les murs de Magdalen-College, d’où nous admirâmes la tour dont les huit clochers élancés attirent les regards vers le ciel.

Franchissant la petite porte à l’aspect monastique et la cour extérieure, nous pénétrâmes dans la grande enceinte où les monstres sculptés sur l’entablature des arcades n’ont rien de classique. Je fus d’abord ravi de voir que mon compagnon était vivement intéressé ; mais les craintes que j’avais déjà ressenties ne tardèrent pas à renaître, et il me prouva bientôt qu’elles n’étaient que trop fondées. Plusieurs fois déjà il avait paru confondre son identité avec celle de son homonyme du siècle passé, qui avait achevé ses études à Magdalen-College. En ce moment il se mit à parler comme si cette identité imaginaire eût été un fait établi.

— C’est là mon collège, dit-il, le plus noble collège de l’université d’Oxford. Que de fois j’ai arpenté ces allées causant avec l’ami du jour. Mes amis sont tous morts, mais plus d’un des étudians que nous rencontrons me les rappelle. C’était une époque d’abus et de privilèges. Peu m’importait ! je comptais au nombre des privilégiés ayant déjà une pension de deux mille livres par an.

Je n’eus pas le courage de troubler ses rêves. À l’émotion presque dangereuse causée par le dénoûment de notre visite à Locks-