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nourrice. Il grandit avec les enfans de la maison, il est associé à leur existence, à leurs jeux, à leurs peines, à leurs travaux, et le petit Parisien finit par être considéré comme étant en quelque sorte de la famille. Le traitement auquel sont soumis ces enfans et l’éducation qu’on leur donne sont au reste l’objet d’une surveillance assez exacte de la part des sous-inspecteurs départementaux et des inspecteurs. Cette surveillance n’est point inefficace, et l’on obtient que ces enfans vivent de la même vie que les enfans légitimes, au milieu desquels ils sont élevés. Là où les parens envoient régulièrement leurs enfans à l’école, les petits Parisiens y sont envoyés régulièrement ; là où l’école n’est pas très en honneur, ils n’y sont guère envoyés moins fréquemment que leurs compagnons d’âge, et ces mœurs publiques de la commune paraissent avoir sur l’éducation donnée à ces enfans beaucoup plus d’influence que la prime, assez modique il est vrai, allouée aux nourriciers dont les élèves fréquentent l’école. Quant à l’instruction religieuse, pour laquelle une prime un peu supérieure est également accordée, elle est donnée très régulièrement aux enfans assistés, et il est heureusement presque sans exemple que leurs nourriciers ne leur fassent pas faire leur première communion. Cette différence contrarie vivement M. le docteur Clemenceau, qui veut mal de mort à la première communion. Puisse son irritation s’apaiser à la pensée que cette différence ne s’explique pas seulement par l’importance plus grande attachée dans nos campagnes à l’instruction religieuse qu’à l’instruction primaire, mais aussi par ce fait, que les catéchismes, ne durant que deux ans et ayant toujours lieu l’hiver, peuvent être fréquentés par les enfans au prix de moindres sacrifices pour les parens.

Moins heureuse est la destinée des enfans qui pour une raison quelconque ont dû être retirés aux nourriciers qui avaient pris soin de leurs premières années. Lorsque ce passage d’une famille à une autre a été opéré pendant leur bas âge, les liens d’une certaine tendresse peuvent encore les rattacher à leurs nouveaux nourriciers ; mais lorsque c’est vers l’âge de dix ans à douze ans que ce changement a lieu, ils sont considérés dans la famille nouvelle où ils entrent comme de petits serviteurs, et font connaissance de bonne heure avec les rudesses de la domesticité rurale. Ils sont employés comme gardeurs d’oies, conducteurs de vaches, compagnons, etc., sans qu’au retour d’une longue journée passée dans les champs une parole de tendresse les accueille jamais au foyer. À partir de douze ans, beaucoup sont placés aussi en apprentissage, si leur famille nourricière n’a pas d’intérêt à les employer. L’administration intervient aujourd’hui dans la rédaction de ces contrats d’apprentissage, qui étaient jusqu’à présent verbaux, mais qui à