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immatriculé sur les registres des Enfans Assistés qu’après la décision du directeur général de l’Assistance publique, qui statue sur le vu des pièces et sur un rapport rédigé par le directeur de l’hospice. Le va-et-vient de ces pièces s’opère avec une grande rapidité, et souvent une journée entière ne s’écoule pas entre l’admission provisoire d’un enfant et son immatriculation définitive. Pendant ce laps de temps, cet enfant est considéré comme étant l’objet d’une mesure hospitalière dont la dépense, purement municipale, doit rester à la charge du budget de l’Assistance publique[1].

Telles sont les formes qu’on pourrait appeler officielles de l’abandon ; mais à côté se présentent certains cas réservés dont le contrôle échappe aux bureaux, et dont l’examen s’opère en dehors et au-dessus d’eux. Que de tristes confidences ont été versées dans l’oreille des différens directeurs de l’hospice ou de la supérieure, qu’on prend souvent comme intermédiaire vis-à-vis d’eux ! Aujourd’hui c’est une jeune fille victime d’une séduction dont sa haute situation sociale aurait dû la préserver, et qui veut à tout prix cacher son déshonneur et sa faute. Demain il s’agira d’un enfant né d’une tragédie de famille, dont le père s’est tué fou de remords, dont la mère est devenue idiote, et dont on veut faire disparaître l’origine incestueuse. Pourtant ces espèces demeurent, à tout prendre, assez rares, et c’est, ainsi qu’on peut le supposer, aux classes les moins aisées de la population qu’appartiennent les mères qui abandonnent leurs enfans. Sur la liste des professions les domestiques figurent toujours au premier rang, ce qui souvent n’est pas à l’honneur de la moralité de leurs maîtres ; puis viennent les couturières et les journalières, professions que s’attribuent souvent celles qui n’en ont aucune. Quant aux mères qui se sont déclarées sans profession, elles sont en 1875 au nombre de 69.

Lorsqu’un enfant a été reçu au bureau d’admission, une fille de service vient et l’emporte sous les yeux de la mère. C’est peut-être affaire de sentiment, mais j’aimerais mieux qu’une des sœurs fût chargée de ce service, et qu’au seuil même de la maison la charité chrétienne apparût sous sa personnification la plus élevée et la plus douce. L’enfant est conduit dans une salle commune qui s’appelle la Crèche ou la Couche, salle spacieuse, voûtée, éclairée par de larges fenêtres, qui servait autrefois de chapelle aux oratoriens. Cette salle, qui contient 85 petits lits, est en quelque sorte le

  1. L’Assistance publique est une administration municipale qui a ses ressources propres et qui reçoit une subvention de la ville de Paria ; mais elle est chargée du service départemental des Enfans-Assistés, et produit chaque année au département un compte après examen duquel elle est remboursée de ses avances, sauf au département à réclamer ensuite à l’état sa part contributive.