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Dans la pratique, on avait inauguré un nouveau système, celui des secours temporaires accordés aux mères d’enfans naturels dont l’indigence était constatée et qui consentaient à conserver leurs enfans. C’est ce système qu’est venu consacrer la loi du 5 mai 1869, en classant au nombre des dépenses des enfans assistés « les secours temporaires destinés à prévenir ou faire cesser l’abandon. » Cette même loi a définitivement exonéré les hospices de la dépense et de la surveillance des enfans assistés, dont elle a fait une dépense et une administration départementale, et elle a posé de nouveau le principe de la contribution de l’état, en lui faisant supporter un cinquième des dépenses faites à l’intérieur de l’hospice et la totalité des dépenses d’inspection et de surveillance.

Si grave que fût cette dernière innovation au point de vue financier, je ne m’y arrêterais pas, si les dispositions de la loi de 1869 n’avaient eu pour résultat de bureaucratiser le service des enfans assistés, suivant une expression très juste de M. Husson, l’ancien directeur de l’Assistance publique. Les membres des commissions administratives des hospices, qui n’ont accepté le plus souvent que par esprit de dévoûment leurs fonctions laborieuses, apportaient par cela même dans le service des Enfans-Assistés plus de zèle et de charité que n’en pourra mettre un inspecteur départemental agissant, ajoute M. Husson, sans contrôle sérieux. La tendance de l’inspecteur départemental sera toujours de mériter les éloges de l’administration préfectorale en diminuant à tout prix les charges de son budget, et il ne cessera d’être encouragé dans cette tendance par l’économie des conseils-généraux. Les enfans en souffriront, et dans quelques départemens en ont déjà souffert. Aussi le principe de la part contributive de l’état étant admis, aurait-on dû peut-être proclamer que le service des Enfans-Assistés n’est ni un service municipal, ni un service départemental, mais un service d’intérêt public, dont l’état a le droit d’assumer la direction et de revendiquer les ressources. On est frappé surtout de ce point de vue lorsqu’on songe qu’un des principaux motifs de l’assistance accordée à ces enfans est de diminuer l’effroyable mortalité des enfans nouveau-nés, qui est une des causes de cette dépopulation de la France que M. de Lavergne signalait naguère en termes alarmés. D’après des calculs un peu approximatifs, il est vrai, on estime que, si on pouvait, par des mesures bien entendues, réduire la mortalité des enfans assistés au chiffre relativement peu élevé qu’elle atteint dans certains départemens, on sauverait par an près de 16,000 enfans, soit plus de 300,000 en vingt ans. Le jour où le service des enfans assistés, devenu un grand service public, aurait à sa tête un conseil composé d’hommes éclairés, et emploierait dans les départemens les commissions administratives des hospices comme agens