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même une certaine prédilection. Aujourd’hui la condition des enfans assistés est régie par le décret du 9 janvier 1811 et par la loi du 5 mai 1869. Entre ces deux documens se placent plusieurs circulaires ministérielles s’abrogeant les unes les autres ; plus deux enquêtes, celles de 1849 et de 1860, et quatre ou cinq projets de loi qui n’ont jamais abouti. C’est au milieu de ce chaos qu’il faut se reconnaître, et il n’est pas téméraire de penser qu’un jour prochain viendra où le besoin d’une législation nouvelle se fera sentir. Quoi qu’il en soit, l’état actuel est celui-ci. Le décret de 1811 avait établi trois classes d’enfans : les enfans trouvés, les enfans abandonnés et les enfans orphelins, en faveur desquels il avait créé un véritable droit à l’assistance. Les dépenses d’entretien de ces enfans, qui avant la révolution incombaient aux seigneurs hauts justiciers, étaient réparties entre l’état, qui s’engageait à fournir une subvention annuelle de 4 millions, et les hospices dépositaires, qui devaient pourvoir à la dépense sur leurs revenus. Le nombre de ces hospices était limité à un par arrondissement, et chacun d’eux devait ouvrir un tour destiné à recevoir les enfans qu’on viendrait y déposer. Tel est le système inauguré par le décret de 1811, dont les dispositions principales n’ont point été formellement abrogées. Ce système a eu un résultat incontestable, celui d’augmenter prodigieusement le nombre des abandons. Le chiffre des enfans assistés, de 62,000 auquel il s’élevait en l’an IX, atteignait 106,000 en 1821 et 131,000 en 1833. En même temps une effroyable mortalité sévissait sur ces petits êtres, et l’humanité, pas plus que l’économie, ne trouvait son compte à l’application du décret de 1811. Il faut reconnaître que ce fut au nom de l’économie que la réaction commença, et qu’on s’inquiéta d’abord de savoir ce que la trop grande facilité des abandons coûtait aux finances publiques avant de se demander ce que les abandons coûtaient aux enfans eux-mêmes. Ce furent les départemens sur lesquels des lois postérieures avaient fait retomber les charges primitivement acceptées par l’état qui réclamèrent les premiers au nom de leur budget obéré. En même temps l’institution des tours trouvait, au point de vue social et économique, des adversaires convaincus dans Jean-Baptiste Say et dans M. de Gérando, auxquels M. de Lamartine s’efforçait de répondre avec plus d’éloquence que d’autorité. Comme l’intérêt financier des départemens se trouvait par extraordinaire d’accord avec les conclusions des économistes, les défenseurs des tours furent vaincus dans la lutte, et chaque année fut marquée par la fermeture de quelque nouveau tour. L’enquête de 1860 n’en a trouvé ouverts que 25, et les conclusions de cette enquête leur ayant porté le dernier coup, ils sont aujourd’hui partout supprimés et remplacés par des bureaux d’admission.