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L’ENFANCE À PARIS

I.
LA CRIMINALITÉ. — L’ABANDON.

Il y a quelques années, une bande de malfaiteurs comparaissait devant le jury de la Seine sous le poids d’une horrible accusation, l’assassinat d’une femme âgée et veuve, avec des détails de férocité tels que la plume se refuse à les rapporter. Le président des assises ayant demandé au principal accusé, Maillot, dit le Jaune, comment il avait été entraîné à commettre un pareil forfait, celui-ci répondit : « Que voulez-vous que je vous dise, monsieur le président ? Depuis l’âge de sept ans, je me suis trouvé seul sur le pavé de Paris. Je n’ai jamais rencontré personne qui se soit intéressé à moi. Enfant, j’étais abandonné à tous les hasards, je me suis perdu. J’ai toujours été malheureux. Ma vie s’est passée dans les prisons et dans les bagnes. Voilà tout. C’est une fatalité. Je suis arrivé ainsi où vous savez. Je ne dirai pas que j’ai commis ce crime par des circonstances indépendantes de ma volonté ; mais enfin… (ici la voix de Maillot devint tremblante) je n’ai jamais eu personne à qui me recommander ; je n’avais en perspective que le vol. J’ai volé, j’ai fini par tuer. »

Rien de plus attristant, mais aussi rien de plus fidèle que le récit fait par ce malheureux du voyage qui conduit périodiquement un certain nombre d’enfans de Paris du vagabondage au meurtre à travers les différentes haltes du crime et de la prison. Pour peu, en effet, qu’on ait eu l’occasion ou la curiosité de soulever le voile