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Quel est l’avenir réservé à la Turquie, à l’Orient ? Qui pourrait le dire ? À l’heure où nous sommes, quelles que soient les impressions qu’on porte dans ces affaires, quels que soient les incidens de guerre qui se passent sur la Morava ou dans les montagnes de la Serbie, la seule paix possible est dans ce qui modifiera le moins la situation des choses ; elle est dans la conciliation des intérêts en présence, de l’intérêt des populations chrétiennes qu’il faut d’abord sauvegarder, et de cette intégrité territoriale de l’empire ottoman dont parlait récemment lord Derby. Il y a un point de départ naturel, légitime, c’est cet ensemble de traités, de conventions qui se sont succédé surtout depuis 1856, qui constituent en quelque sorte une tradition d’arbitrage et de protection pour l’Europe, qui ont résolu autant que possible, à mesure qu’elles se produisaient, toutes ces questions de la Roumanie, de la Crète, de la Serbie, du Monténégro. Ce qu’on a commencé, il n’y a qu’à le continuer, en s’inspirant du même esprit, et dans tous les cas une entente sérieuse, complète de L’Europe, des six puissances qui ont concouru aux traités de 1856, est la condition première de toute tentative nouvelle. Qu’il s’agisse de la question particulière de la guerre serbe ou des combinaisons qui doivent garantir la sécurité des populations chrétiennes dans les provinces des Balkans, une action collective mûrement délibérée, acceptée sans arrière-pensée, est le seul moyen efficace, et le jour où cette entente existerait, elle suffirait pour dominer L’imprévu, pour modérer les prétentions ottomanes vis-à-vis de la Serbie, pour ramener la Turquie au sentiment d’une situation où elle a certes assez à faire, ne fût-ce que pour retrouver une administration, des finances et un crédit.

Au fond c’est la pensée de tout le monde, parce que personne n’a le goût des aventures, parce qu’aucun gouvernement n’est insensible à cet immense besoin de paix qu’éprouve l’Europe, même au milieu de tout ce mouvement de manœuvres militaires qui s’exécutent aujourd’hui de toutes parts. Les manœuvres, en effet, c’est là l’occupation du moment un peu partout, en Autriche, en Allemagne, en Italie comme en France, et M. le maréchal de Mac-Mahon vient de se donner le plaisir de passer quelques jours à visiter notre armée, assistant aux travaux du 8e corps dans le Morvan, du 14e corps près de Grenoble, du 7e corps dans l’est, vers Besançon. M. le président de la république, dans son voyage tout militaire, ne pouvait éviter de rencontrer la politique sur son passage ; il l’a rencontrée à Lyon sous plus d’une forme, mais particulièrement sous la forme décente d’un discours du président du tribunal de commerce, et il a saisi cette occasion de parler simplement au commerce de Lyon de la paix, de la stabilité des institutions, de l’exposition prochaine, de l’estime que la France a su reconquérir par ses efforts. M. le maréchal de Mac-Mahon sait trouver dans toutes ces circonstances une bonne grâce parfaite qui ne se dément pas ; mais voilà le malheur ! Lyon a le triste privilège d’avoir des conseils peuplés de radicaux, et