Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nople. Ils proposent l’armistice pour arriver à des négociations de paix ; la Porte, à son tour, paraît réclamer des préliminaires de paix comme condition nécessaire de la suspension d’hostilités. Voilà les faits du moment, l’état présent du conflit particulier entre la Turquie et la Serbie. En réalité, qu’on signe l’armistice avant les préliminaires de paix, qu’on négocie à paix avec l’armistice, on ne peut ni supprimer ni éluder la difficulté. La véritable question n’est point dans une procédure de diplomatie, ni même dans la guerre serbe, ou du moins elle n’est là que par circonstance et partiellement ; elle est surtout dans cette situation générale où s’agitent et se confondent tous ces problèmes, de l’état des populations, slaves et chrétiennes, soumises au joug musulman, des conditions et de l’avenir de l’empire turc, du rôle des politiques européennes en Orient.

Elle n’est donc, cette triste guerre de Serbie, qu’un incident de plus dans une crise qui se déroule avec son cortège de péripéties militaires, d’insurrections mal apaisées, d’excès révoltans dans les provinces, et de révolutions successives à Constantinople. Au fond, il s’agit toujours de trouver, sinon une solution définitive, dont personne ne dispose, du moins des combinaisons rassurantes pour la paix et l’humanité, de nature à préserver l’Occident, à détourner de nouveaux conflits en mettant les malheureuses populations orientales sous un régime défini et garanti de protection et de justice. Le danger pour l’Europe serait de se laisser devancer par l’imprévu de se perdre dans cette incohérence de conseils qui a fait si souvent l’impuissance de la diplomatie, de n’avoir à opposer aux complications et aux résistances qu’une action divisée. Le danger pour la Turquie, elle-même serait de se méprendre sur sa propre situation, de compter sur un vieux fanatisme pour soutenir une existence en déclin ou de se laisser abuser par des victoires d’un moment.

Certes, s’il y a un spectacle curieux, c’est celui de cet empire, objet de tant de contestations, c’est ce contraste de décomposition croissante et de vitalité obstinée, dont les événemens les plus récens offrent un dernier et saisissant exemple. Qu’est-ce en effet que cette histoire de la Turquie depuis quelque temps ? C’est en vérité, l’histoire d’un pays qui semble se proposer de tromper ou de décourager tour à tour ceux qui persistent à ne pas désespérer de lui, qui s’efforcent de le soutenir par prévoyance, par nécessité, et ceux, qui fondent sur sa décadence visible leurs calculs d’ambition. Les révolutions de palais remplissent sa vie intérieure ; les souverains se succèdent comme si un changement de régime était le remède infaillible à la détresse publique. Il y a quelque temps, un sultan accusé de précipiter par ses folies la ruine de l’empire, Abd-ul-Azis se voyait déposé par une conspiration de sérail, œuvre de ses propres ministres, et peu après avoir perdus la couronne il cessait de vivre : il disparaissait par un suicide opportun ! Un nouveau sultan,