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exigera une somme de 190,000 francs : ce sera, nous dit-on, son budget normal. Il y a loin de là au budget de l’institut de Versailles, et, si les prévisions ne sont point démenties, il faut convenir que la charge sera légère, eu égard à l’importance des résultats qu’il est permis d’espérer, et la génération prochaine pourra admirer, non sans raison, qu’il ait fallu tant de prédications, d’efforts et de vœux répétés pour rendre à la France une institution si utile et si peu coûteuse. Aussi bien nous touchons là à une des causes de la faiblesse et de la langueur de tout notre enseignement agricole. On a été presque constamment à son endroit d’une parcimonie, disons plus, d’une avarice extrême. Ouvrez le budget, pour l’exercice 1877, du ministère de l’agriculture et du commerce, au chapitre IV, et calculez ce que coûte l’enseignement professionnel agricole dans toutes ses parties : les écoles d’agriculture (Grignon, Grand-Jouan et Montpellier) et l’École d’horticulture de Versailles, ensemble ; 655,400 francs, dont il faut retrancher 310,330 fr, chiffre des recettes ; reste 345,070 francs ; puis viennent les fermes-écoles : 580,000 francs : les chaires et cours nomades : 70,000 fr. En ajoutant les subventions aux stations agronomiques (60,000 fr.), aux orphelinats et colonies agricoles (60,300 francs), ce qui est proprement en dehors de l’enseignement professionnel (nous ne parlons pas des bergeries et vacheries dont les produits couvrent à peu près les recettes), nous atteignons à un total qui dépasse à peine un million ; joignez-y les 130,000 francs, plus tard les 190,000 francs que réclamera l’institut, vous toucherez à peine à 1,300,000 ! Et en regard de ce chapitre IV, considérez les trois chapitres concernant les haras, les remontes, les encouragemens à la production chevaline, ces 550,000 francs qu’on alloue religieusement chaque année pour le plus grand succès des « courses plates au galop, au trot, steeple-chases, épreuves d’étalons de demi-sang, primes de dressage, » — ces 100,000 francs de subvention aux écoles de dressage et d’équitation, — comptez les millions que les haras coûtent annuellement, et dites si l’on n’a pas été pour l’enseignement agricole, en lui reprochant ses dépenses, d’une injustice singulière !

À cet égard, il est instructif de jeter un coup d’œil sur les pays étrangers. L’Allemagne et surtout la Prusse nous offrent un exemple qui mérite bien qu’on le médite. Depuis cent ans, la Prusse, en son agriculture, a fait des progrès très supérieurs aux nôtres. Sans doute elle est encore loin de nous égaler, elle nous est sensiblement inférieure, mais il faut considérer son point de départ et les conditions défavorables où la nature l’a placée, avec un climat rigoureux, un sol ingrat, bien différens, sauf quelques régions, de