Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette immense superficie qui de la Loire s’étend aux Pyrénées, de l’Océan aux monts d’Auvergne et au bassin du Rhône, qui comprend les vallées de la Garonne et de la Charente, ces précieux vignobles d’où nous tirons plus d’un milliard chaque année. Est-il bon qu’un territoire si étendu, si opulent, si foncièrement agricole, avec son industrie du vin et des eaux-de-vie, qui est une des richesses de la France, cette région qui réunit des cultures si diverses et offre de si étranges contrastes, — la désolation des landes à côté de plaines admirables, — que toute cette contrée n’ait pas au moins un centre agronomique ? Et peut-on s’en tenir à la seule école de Montpellier ? Laissons à cette école le soin de tout ce qui intéresse les régions méditerranéenne et rhodanienne : la sériculture et la vigne qu’envahit le phylloxéra, lui sont, elles seules, d’assez importans sujets d’investigations et d’études. Mais le rayon de Toulouse, surtout celui de Bordeaux, voilà où il serait urgent d’établir un grand centre d’instruction scientifique. Nous savons qu’il y a aujourd’hui dans ces deux villes des chaires spéciales, c’est un premier pas, mais cela est-il suffisant ? Une ou deux chaires, est-ce la même chose qu’une école formant un tout complet et régulier ? En ces dernières années, on s’occupait d’en organiser une à Toulouse. Pourquoi avoir abandonné ce projet ? Et nous ne parlons pas de l’Algérie : voilà cependant une région certes intéressante ! Quand se décidera-t-on à la doter d’un enseignement approprié à la nature de ses terres, de ses plantations et de ses produits ?


III

Nous arrivons à la partie la plus importante peut-être de l’enseignement agronomique : l’enseignement supérieur. Nous l’aurions depuis longtemps, florissant et complet, sans le funeste décret de 1852. La loi de 1848 l’avait institué sur les plus larges bases, et il se développait avec un éclat singulier, quand un caprice de dictature, en supprimant l’institut de Versailles, le détruisit du même coup. Car l’empire ne fit alors aucun effort pour lui ouvrir un nouvel asile ; il fallut se contenter de l’école de Grignon, qui, par cette circonstance et faute de mieux, devint notre principal établissement agronomique, mais en vérité ne fut toujours que ce qu’elle doit être : une école régionale, d’un niveau sans doute élevé, mais au demeurant secondaire. Cependant l’agriculture ne pouvait être indéfiniment privée d’un enseignement supérieur. Le peu qu’avait duré l’institut de Versailles avait suffi pour en démontrer les bienfaits. On voyait quels hommes étaient sortis de là, on se rappelait ces études si riches, si amples, et les amis de l’agriculture songeaient avec amertume à tous les avantages qu’elle en eût retirés