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ils y travaillent comme dans un atelier d’apprentissage : il s’agit de former des praticiens habiles, exercés aux bonnes méthodes, contremaîtres ruraux, chefs de main-d’œuvre, capables de diriger intelligemment une métairie pour leur compte ou pour le compte d’autrui. Il est clair que, dans une telle école, la théorie se réduit à fort peu de chose, la pratique est tout. Autant, dans un établissement supérieur tel que l’Institut agronomique, la science théorique, cours et lectures, tient le premier rang, autant ici l’instruction est rudimentaire : ce n’est pas sur les bancs d’une salle d’étude que les apprentis la reçoivent, c’est sur le terrain, dans les champs, dans les pépinières, dans les étables, derrière la charrue, en maniant les appareils. Par conséquent, la grande affaire, ce n’est point l’enseignement, c’est l’exploitation sur laquelle cet enseignement est donné. L’école est surtout une ferme, et cette ferme, il importe qu’elle réussisse. Aussi bien la ferme-école a-t-elle un double but, et son influence sur l’agriculture locale doit s’exercer, non-seulement par l’enseignement, mais par l’exemple. Cette dernière condition est capitale, car c’est là ce qui agit le plus fortement sur l’esprit du paysan. Les plus belles machines, les procédés les plus ingénieux, les plus parfaits, ne le séduisent guère s’il ne voit pas le succès au bout. On ne saurait croire le tort que font parfois à la cause de l’enseignement agronomique et de la science les entreprises dirigées par des savans et qui échouent. L’imagination du campagnard en est frappée ; il se replonge plus obstinément que jamais en sa routine, et il faut bien du temps pour détruire ces impressions. La ferme-école doit donc être par-dessus tout une exploitation prospère et fructueuse.

Dès lors que devait faire l’état ? Qu’il s’imposât les frais de l’enseignement, c’était son rôle : il n’y avait là d’ailleurs qu’une charge peu redoutable, une dépense faible et limitée ; mais l’exploitation, convenait-il qu’il s’en chargeât de même ? Devait-il se faire agriculteur et se lancer ainsi, sur tous les points de la France, dans une série d’entreprises nécessairement incertaines et sujettes à entraîner des sacrifices indéfinis ? Le gouvernement, dès l’abord, avait prudemment évité de s’engager en cette voie ; il avait été amené par les circonstances à adopter le système que la loi de 1848 a consacré. L’état se borne à subventionner les fermes-écoles, il ne les régit pas. Leur organisation repose sur ce principe : l’association de l’industrie privée et de l’état. La ferme-école est un domaine privé que l’état a choisi pour y installer son enseignement primaire. Voici une exploitation qui se prête avantageusement à cette transformation ; le gouvernement dit à celui qui la dirige, propriétaire ou fermier : « Vous serez le directeur de l’école, vous