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cherchait comme Sweyn un moyen de rendre la pareille, et elle le rencontrait fréquemment. En voici un exemple que nous trouvons dans les Anciens rois de Norvège de Carlyle, et qui se rapporte plus directement au sujet qui nous occupe. Un jour, le roi Harald Haarfagr vit entrer dans sa salle un messager anglais porteur d’une magnifique épée, cadeau du roi, Athlestan. Il la prit, la sortit du fourreau, et pendant qu’il était en train de l’examiner, il fut tiré comme en sursaut de sa contemplation par ces mots du messager : « Ah ! ah ! tu es maintenant le feudataire du roi anglais mon maître, tu as accepté son épée et tu es son homme. » Harald Haarfagr ne répondit pas ; mais l’année suivante il dépêcha à son tour un messager en Angleterre avec son plus jeune fils qu’il avait eu d’une esclave, Hakon, alors tout enfant. Le messager entra dans la demeure d’Athlestan, et sans parler déposa l’enfant sur ses genoux. « Quel est cet enfant ? demanda Athlestan. — C’est le fils du roi Harald, qu’une esclave lui a enfanté. Il te le donne à cette heure comme fils adoptif, » lui fut-il répondu. Et comme le roi faisait mine de vouloir commettre quelque acte de violence, le messager le calma tout aussitôt en ajoutant ces paroles : « Tu l’as tenu maintenant sur tes genoux. » Alors Athlestan consentit à être joué et s’appliqua à remplir envers le jeune Hakon tous les devoirs de l’adoption dont l’engagement lui avait été escamoté par cette ruse.

Sigvald ne consentit pas, lui, à être joué et fit comprendre à Sweyn que ce n’était pas l’heure de la subtilité et de la ruse, mais celle de la violence et de la force, qu’il était captif dans Jomsburg et qu’il n’en sortirait qu’après avoir satisfait à sa volonté, qui était qu’il épousât Gunnhilda, la seconde fille du roi Burislaf. Sweyn écouta ces déclarations de Sigvald, le visage empourpré et comme tuméfié par la colère, ce qui était un trait de tempérament particulier, paraît-il, à tous les rois de cette première race de Danemark, Knytling de leur nom patronymique. Toutefois, sentant bien qu’il était tombé dans un piège dont il fallait sortir à tout prix, il réprima sa fureur et répondit qu’il accédait aux exigences de Sigvald. Il fut donc conduit à la résidence de Burislaf comme un prisonnier de guerre plutôt que comme un roi, et là, après qu’il eut déclaré solennellement que le présent du lendemain (ce Morgengab que, selon l’ancienne coutume des nations germaniques, le fiancé offrait à sa fiancée le lendemain du mariage) serait la renonciation à tout tribut sur le royaume des Wends, on le fit approcher d’une estrade où les princesses, voilées et vêtues de blanc, se tenaient aux deux côtés de la reine. Le mariage fut accompli selon les rites traditionnels de l’ancienne religion d’Odin, plus chers aux cœurs scandinaves que les rites, de date trop récente encore, du christianisme, c’est-à-dire sur le marteau de Thor, vieille hache de silex prise