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fils, et particulièrement l’aîné, Éric, son héritier, furent vikings, dans la pire acception du nom. Vikings aussi les deux fils de Rognwöld, le principal ministre d’Harald Haarfagr, Einar, colonisateur des Orcades, et Rolf le Marcheur, notre Rollon de Normandie ; vikings aussi les fils de Hakon-Jarl, dont nous verrons les vikings de Jomsburg mettre le pouvoir à deux doigts de sa perte. Enfin plus d’un siècle après Harald Haarfagr, les deux plus grands rois qui soient sortis de son sang, Olaf, fils de Tryggvi, et saint Olaf, furent vikings jusqu’à leur avènement, et vikings non par exception, mais absolument et de profession. On voit que les rois du Nord, au Xe siècle, eurent plus d’une occasion de faire l’application du proverbe latin : quis custodiet ipsos custodes, car ceux qui étaient chargés de réprimer la piraterie la pratiquaient eux-mêmes.

Directement les rois du Nord ne purent donc faire que peu de choses pour arrêter cette coutume, et en réalité toutes les mesures qu’ils prirent se réduisirent à deux. La première, c’est qu’ils s’interdirent d’organiser et de commander comme autrefois les expéditions maritimes, abstention qui, sans empêcher la piraterie, eut l’avantage de lui enlever sa principale légitimation et de lui faire perdre toute existence officielle. La seconde, résolument appliquée par Harald Haarfagr, fut la prohibition de toute entreprise de vikings contre les terres et les personnes de ses sujets de Norvège. Ce n’étaient pas en effet les seules nations étrangères qui payaient les frais de ces expéditions. Bien que les Normands aient inondé l’Europe entière de leurs hordes pendant un siècle, c’étaient cependant les régions du Nord, de l’Islande aux côtes d’Angleterre, qui restaient le théâtre principal de leurs exploits, et par conséquent les pays Scandinaves avaient à en souffrir autant que les contrées les plus lointaines. Une flotte de pirates norvégiens ou danois se trouvait-elle, soit à l’aller, soit surtout au retour, à court de vivres, elle descendait sur la côte de Norvège ou de Danemark, pillait les fermes et enlevait les bestiaux. C’est par parenthèse à un acte de cette piraterie intestine que la vieille Neustrie dut de devenir la Normandie, Rolf le Marcheur, — ainsi nommé parce qu’il avait les jambes si longues qu’il était forcé d’aller toujours à pied : , aucun cheval n’étant assez haut pour lui, — ayant été obligé de s’enfuir devant la colère d’Harald Haarfagr après un vol de bestiaux commis au retour d’une expédition. Heureusement à ces mesures répressives vint s’ajouter pour la piraterie Scandinave une cause de décadence plus générale et plus efficace, et cette cause ce fut simplement l’existence même des nouvelles monarchies, qui donnèrent un centre à ces ardeurs jusqu’alors éparses et à ces ambitions qui tiraient chacune de leur côté, faute d’un but commun qui pût les satisfaire toutes. La monarchie nationalisa cet esprit d’aventures, qui jusqu’alors s’était