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prématurés, parce qu’ils précèdent celui qui devrait marcher avant tous les autres, l’établissement des communications.

A défaut d’un capital industriel en nature, trouve-t-on un capital en numéraire qui puisse le remplacer ? L’argent manque dans la circulation, et rien ne permet de supposer qu’il se cache au fond des tiroirs. Le stock métallique n’a jamais été considérable, si l’on songe que les petits souverains locaux émettaient jadis du papier-monnaie et que les échanges se faisaient principalement en sacs de riz. Aujourd’hui ce stock a baissé dans des proportions dont un journal indigène se déclare avec raison effrayé : il compare avec des lamentations patriotiques le chiffre des importations et des exportations, dont le tableau suffit à expliquer le drainage d’espèces dont le commerce japonais a été victime. En 1868, les résultats se balancent ; de 1869 à 1870, l’importation excède de 30,432,123 yen l’exportation ; de 1870 à 1872, les chiffres diminuent ; mais l’excédant est relativement aussi fort et s’élève à 10,030,743 yen. En 1874, l’excédant est de 12,952,730 yen. En admettant avec notre auteur que la réserve monétaire tant ancienne que moderne doive être évaluée à 58 millions de yen, on voit en combien d’années et même de mois elle serait épuisée, en tenant même compte d’une fabrication mensuelle de 205,000 yen.

On se demandera naturellement en lisant ces chiffres comment l’or n’obtient pas une prime énorme sur le papier : le change n’atteint pas 5 pour 100. Cela tient aux coutumes traditionnelles du peuple, qui a plus de confiance dans les kinsats, papier revêtu de la griffe impériale, que dans les monnaies facilement altérables et souvent altérées jadis. Le commerce étranger profite de cette insouciance pour attirer à lui tous les métaux précieux, qui vont s’accumuler dans les caves des banques européennes ; mais cette quiétude ne peut durer toujours ; à mesure que les générations qui grandissent acquerront la notion des lois économiques, elles se rendront compte de l’inanité du signe placé entre leurs mains ; elles s’apercevront que les achats à l’étranger leur sont interdits, et il se produira infailliblement une crise dont il est difficile de calculer la portée.

Dès aujourd’hui le manque de numéraire a produit des inconvéniens assez graves pour qu’on y cherchât un remède : on a cru le trouver dans la création des banques, on n’a rencontré que des mécomptes. Obéissant à des conseils peu éclairés, les Japonais ont pensé découvrir du premier coup un moyen de changer leur plomb en or, et, sans tenir compte des lois économiques qui condamnaient leur tentative, se sont plu à croire qu’un système de banques à l’instar des États-Unis leur fournirait les facilités de circulation qui leur manquaient. Ils ne songeaient pas que l’immense et