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fit place à celui des professeurs. On comprit qu’il était urgent de se donner des précepteurs pour n’avoir pas un jour à subir des maîtres, et l’enseignement public devint plus que jamais la préoccupation constante de l’état. Heureuse la nation, si cette sage mesure avait été prise dix ans plus tôt avec l’énergie qu’on semble vouloir déployer aujourd’hui ! C’est avec un véritable plaisir que nous allons parcourir les diverses ramifications de cet enseignement, auquel manquent parfois l’étendue et la saine entente des programmes, mais non pas le zèle des maîtres ni celui des élèves.

L’instruction primaire n’a jamais été négligée au Japon ; elle y est parvenue à un degré qu’elle atteint rarement ailleurs, car il est peu d’enfans qui n’aillent à l’école et peu d’hommes qui ne sachent lire et écrire les caractères vulgaires ; mais elle est très restreinte, et celui qui l’a reçue ne peut guère s’instruire par la lecture des livres, presque tous écrits en caractères idéographiques. L’instruction secondaire ne s’adressait jadis qu’à la classe des samurai ; elle est ouverte aujourd’hui à toutes les classes et accessible aux bourses les plus modestes ; elle comprend avant tout l’étude des caractères et des livres chinois, qui absorbent malheureusement une grande partie des années d’école. L’abandon de cette écriture marquerait un pas immense fait en avant, mais il est reconnu impraticable quant à présent. Elle embrasse aussi l’étude des langues étrangères, quelquefois sous des maîtres japonais, système fort défectueux, mais dans les écoles du gouvernement sous des maîtres étrangers. La principale de ces écoles est à Yeddo ; elle comprend le kogakko ou petit collège, qui correspond à nos classes de grammaire, et le kaï-seï-gakko, qu’on peut assimiler à nos humanités. On y enseigne le français, l’anglais, l’allemand, et on y fait des cours de sciences morales, physiques et mathématiques dans ces trois langues ; mais les cours de science ne se faisant plus, d’après une mesure récente, qu’en anglais, les jeunes gens voués à l’allemand sont forcés de se tourner vers les écoles de médecine, et ceux qui ont pris goût au français à entrer à l’école de droit ou aux écoles militaires. Les cours supérieurs comprennent les cours de nos classes de mathématiques spéciales, l’étude des lois anglaises et la préparation à l’école des mines. Ce collège, honoré du titre d’impérial et visité par le mikado lors de la réouverture de ses cours, comprend 39 professeurs, dont 25 Européens, et 349 étudians internés, pourvus d’uniformes décens, de livres, d’une bibliothèque, de laboratoires, et beaucoup de nos bacheliers seraient étonnés de s’y trouver classés au-dessous de leurs camarades asiatiques. — Outre cette école publique, on compte, tant à Yeddo que dans les principales villes de province, un grand nombre d’institutions privées où sont enseignées les langues et les sciences européennes ;