Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pluie quand il n’est pas couvert par la neige, on a jeté une prétendue capitale, Satsporo, taillée à grands frais dans les forêts voisines, et là on a appelé et essayé de retenir par force une population transportée et mécontente, qui n’a jamais réussi à cultiver assez de terre pour se nourrir ; on a tracé une route coupée par 42 lieues de mer, creusé un canal pour amener au rivage des produits qui n’ont jamais été obtenus, et institué dans le voisinage du port de Hakodaté, à Nanaï, une ferme-école, où l’on emploie, il est vrai, des charrues et des noyaux perfectionnés, mais qui ne produit pas de quoi nourrir les chevaux qu’elle emploie. Coût total : 30 millions de francs. L’agriculture a reçu d’autres encouragemens plus modestes, mais plus utiles : de vastes plateaux qui s’étendent au nord-est de Yeddo ont été défrichés, semés de villages bâtis et surveillés par le gouvernement, et se sont couverts de récoltes ; mais le riz n’y pousse pas et rien n’a pu jusqu’ici arracher le paysan japonais à sa préférence pour ce genre de culture. Il est, comme tous ses pareils du globe entier, routinier à l’excès et si attaché à ses vieilles méthodes que la production n’a pas varié d’un million de kokus[1] depuis Yéyas. Si le bœuf se trouve employé à peu près partout, quoique en petit nombre, aux travaux des champs, on ne voit ni ânes ni mulets ; de vastes pâturages restent inutiles faute de moutons pour les fertiliser : on objecte, il est vrai, qu’ils ne sont pas propres à les nourrir ; mais des éleveurs expérimentés assurent qu’on pourrait acclimater l’espèce ovine ; la question ne fait même pas de doute pour les chèvres. L’introduction du bétail constituerait un progrès essentiel et augmenterait d’une manière incalculable les ressources agricoles, qui sont les principales et peut-être les seules réelles.

La richesse forestière du Japon est considérable, mais laissée à l’abandon jusqu’à présent. Un ingénieur français, M. Dupont, a accepté la tâche de régulariser le régime des forêts. La grande difficulté provient de l’absence de routes pour faire les charrois, de sorte qu’on est obligé de débiter le bois sur place, au milieu de montagnes inaccessibles, pour le faire flotter ensuite sur les torrens ; mais les bois de construction ne pouvant être coupés que sur des crêtes basses et d’un abord commode, celles-ci se dépeuplent rapidement sans qu’on prenne les mesures nécessaires pour le reboisement et pour arrêter les eaux. L’île de Yéso presque tout entière est couverte de vastes forêts, qui attendent la hache faute de routes. On se fera une idée de l’étrange manière dont on surveille les richesses forestières, par le mode employé pour compter les arbres et pour en prendre le calibre. L’opération dure trois

  1. le koku vaut 5,13 boisseaux ou environ 56 litres.