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d’avoir joué une comédie en fixant une date pour la reprise des paiemens en espèces, sans s’occuper de préparer les moyens de l’accomplir, et en dissipant au contraire l’encaisse métallique du trésor fédéral. M. Tilden expose alors, en prenant pour bases de ses calculs le chiffre des green-backs et des billets de banque en circulation, et les cautionnemens déposés par les banques, la série des mesures qui permettraient d’arriver graduellement, mais dans une courte période, à la reprise des paiemens en espèces, non-seulement sans causer aucune secousse et sans ajouter à la langueur des affaires, mais en aidant au réveil de leur activité. Cette discussion, un peu longue, mais d’une grande clarté, ne peut manquer de plaire à un peuple aussi pratique que les Américains.

Sur la réforme administrative, M. Tilden est naturellement aussi affirmatif et aussi explicite que M. Hayes ; de plus il est fondé à demander comment ceux-là pourront accomplir la réforme qui l’ont rendue nécessaire par leur conduite, et qui ne se sont soutenus au pouvoir que par les abus qu’ils dénoncent aujourd’hui. M. Tilden signale comme un danger pour les libertés publiques la multiplication constante du nombre des fonctionnaires, qui, nommés exclusivement à raison des services politiques qu’ils ont rendus ou que l’on attend d’eux, subissent constamment la pression des prétendans au pouvoir, ne s’appartiennent plus et constituent une sorte d’armée mercenaire à la discrétion du parti dominant. M. Tilden ne se borne pas à demander que la nomination et la révocation des fonctionnaires fédéraux soient désormais entourées de garanties sérieuses ; il réclame la suppression de tous les emplois inutiles, qui n’ont été créés que pour mettre un plus grand nombre de places à la disposition des personnages politiques. Enfin, renchérissant sur son compétiteur, il demande qu’on introduise dans la constitution un amendement à l’effet d’interdire la réélection de tout président. A l’égard du sud, la justice, l’impartialité et un esprit de conciliation de la part du gouvernement et des fonctionnaires fédéraux, paraissent à M. Tilden les plus sûrs moyens de ramener le calme au sein des populations, de leur faire oublier les exactions et les dilapidations dont elles ont souffert, et de rétablir la bonne harmonie entre tous les enfans d’une même patrie.

La lettre de M. Hendricks, publiée le même jour que celle de M. Tilden, est conçue dans le même esprit, mais elle est beaucoup plus courte. Il n’y faut relever qu’une affirmation très catégorique de l’obligation et de la nécessité de la reprise des paiemens en espèces, à la condition que cette opération soit préparée et sagement conduite. Cette déclaration avait son importance sous la plume de M. Hendricks parce qu’elle enlève aux républicains le droit de dire