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contre toute subvention aux écoles où serait donné un enseignement religieux quelconque, ce qui ne pouvait manquer de déplaire aux catholiques, et un vœu vague et indéterminé en faveur de la reprise des paiemens en espèces, ce qui ne pouvait paraître suffisant aux intérêts commerciaux. Un amendement, ayant pour objet de rappeler et d’approuver le bill qui avait fixé au 1er janvier 1879 la reprise des paiemens en espèces, fut repoussé à une énorme majorité. Sur cette question importante, le parti républicain reculait donc au lieu d’avancer. On ne sembla point s’en apercevoir : l’assemblée, tumultueuse et préoccupée, prêtait à peine attention à la lecture du programme, et elle l’adopta presque sans discussion et comme une affaire de pure forme : toutes les pensées étaient concentrées sur la nomination qui allait avoir lieu le lendemain.

On avait pu se convaincre, à mesure que les délégués arrivaient, que M. Blaine avait beaucoup plus de partisans qu’on n’avait supposé : il était assuré d’obtenir, dès le premier tour de scrutin, au moins 280 voix, il lui manquerait donc seulement 80 ou 90 voix pour atteindre la majorité absolue, qui était 379. Or il était notoirement, suivant l’expression consacrée, le second choix de beaucoup de délégués, qui lui donneraient leur suffrage aussitôt qu’ils désespéreraient du succès de leur candidat préféré. M. Conkling, par contre, était beaucoup plus faible qu’on ne l’avait cru. On avait pensé que la délégation pensylvanienne, après avoir voté pour M. Hartranft, reporterait au second tour ses 68 voix sur M. Conkling : or ces délégués déclarèrent hautement, dès leur arrivée, qu’à raison du mauvais vouloir que les représentans et les journaux de New-York avaient témoigné pour l’exposition de Philadelphie, ils ne voteraient en aucun cas pour le sénateur de New-York. Cette situation dérangeait les calculs de M. Morton et de M. Bristow. Ceux-ci avaient compté que les forces de M. Blaine et de M. Conkling se balanceraient, et connaissant la haine implacable qui animait ces deux hommes politiques l’un contre l’autre, ils avaient calculé que, pour prévenir le triomphe d’un rival détesté, tous deux préféreraient assurer le succès d’un troisième candidat. En prévision de cette éventualité, M. Morton et M. Bristow s’étaient mutuellement promis de réunir leurs voix sur celui d’entre eux qui obtiendrait le plus de suffrages au premier tour, engagement qui ne fut pas tenu en temps utile par les amis de M. Morton. Le scrutin s’ouvrit le 15 juin, au milieu d’une agitation indescriptible : une foule énorme encombrait les galeries de la vaste enceinte au milieu de laquelle la convention siégeait, et on avait peine à en contenir les manifestations bruyantes. Quatre tours de scrutin se succédèrent presque sans variation : les voix de M. Blaine oscillaient de 280 à