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satisfaction la guerre qui lui était faite, et même de contribuer à l’alimenter par des indiscrétions calculées. On fit revivre toutes les enquêtes auxquelles les chemins de fer avaient donné lieu, dans l’espoir d’y retrouver quelque fait à la charge de M. Blaine. Sur un propos attribué à un ami de M. Morton, M. Harrison, d’Indianapolis, il sévit accuser d’avoir reçu 64,000 dollars de la compagnie de l’Union Pacific Railroad, et d’avoir également tiré un lucre de la concession du Fort Smith and little Rock Railroad dans l’Arkansas. Lorsque le comité compétent de la chambre, en se saisissant de cette accusation, lui eut donné une importance suffisante, M. Blaine porta la question devant la chambre entière, en demandant inopinément la parole pour un fait personnel. Il établit sans peine que la concession du chemin de fer de Little Rock au fort Smith ayant été faite par la législature de l’Arkansas, le congrès n’avait jamais eu à s’en occuper. Quant à l’Union Pacific Railroad, il donna lecture de lettres émanées du président, du trésorier et des banquiers de la compagnie, et démentant toutes, dans les termes les plus formels, qu’il eût eu aucun rapport direct ou indirect avec la compagnie, et en eût reçu par lui-même ou par personne interposée, une somme d’argent à titre de rémunération quelconque. Ce fut un triomphe éclatant ; mais il ne fut pas de longue durée. Les partis ne désarment jamais aux États-Unis, et l’on va voir à quelles extrémités ils peuvent se porter quand il s’agit de ruiner la réputation d’un adversaire politique. On découvrit à New-York un certain Mulligan, ancien commis principal d’un courtier, M. Fisher, qui avait été l’associé du frère de M. Blaine dans une raffinerie, et avec qui M. Blaine avait été assez longtemps en relations d’affaires. Un règlement de comptes avait eu lieu entre M. Blaine et M. Fisher, et l’on s’était rendu mutuellement la correspondance échangée : M. Blaine le croyait du moins ; mais une quinzaine de ses lettres avaient été conservées par Mulligan, qui se les était appropriées. Soit pour faire parler de lui, soit pour gagner les bonnes grâces du parti démocratique, ce Mulligan se fit citer comme témoin avec M. Fisher devant le comité de la chambre des représentans, et annonça avant son départ que, si on lui suscitait des ennuis à l’occasion de sa déposition, il publierait des lettres de M. Blaine qui feraient grand bruit. Averti par le télégraphe, M. Blaine vit Mulligan à son arrivée à Washington, en présence de deux personnes, et se fit montrer les lettres dont il était question. Après les avoir parcourues, il refusa de les rendre en disant que ces lettres étaient la propriété ou de lui-même qui les avait écrites, ou de M. Fisher, à qui elles avaient été adressées et à qui il était prêt à les remettre ; mais que Mulligan n’avait le droit ni de les retenir, ni d’en faire usage sans