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New-York. Il a été l’auxiliaire le plus utile et le plus infatigable de l’administration du général Grant : toujours sur la brèche pour défendre le président, ne ménageant aucun de ses adversaires, et lui montrant un dévoûment d’autant plus inappréciable qu’il était désintéressé. Possesseur d’une grande fortune, et allié aux familles les plus influentes de l’état de New-York, M. Conkling est un homme politique ; ce n’est pas un politicien, c’est-à-dire un de ces aventuriers, trop communs aux États-Unis, qui font de la politique un métier, et qui cherchent à conquérir quelque emploi lucratif en mettant au service d’un parti leurs talens, leur activité et leur absence de scrupules. Il n’a tenu qu’à M. Conkling d’occuper un ministère, et il a refusé par deux fois la présidence de la cour suprême, c’est-à-dire le poste le plus considérable qui soit à la nomination du président. C’était confesser implicitement toute l’étendue de son ambition. M. Conkling a assez de talent et il a fait une assez brillante carrière pour avoir droit de réserver l’avenir ; sa situation au sein du parti républicain est de celles que le temps ne peut que fortifier. Les préférences du général Grant étaient pour lui, mais il n’en devait retirer aucun avantage. En effet, dès que l’on connut le langage tenu par le président sur le compte de M. Conkling, dans son entretien avec M. Haralson, un autre candidat, M. Morton, qui se croyait des titres égaux à l’appui de l’administration, voulut avoir une explication avec le président. Celui-ci déclara qu’il avait fait connaître ses sympathies personnelles, mais qu’il n’entendait user ni de sa situation, ni de l’influence administrative pour peser sur le choix de la convention républicaine, et il a observé effectivement la plus stricte neutralité entre tous les candidats de son parti. Pendant que le général Grant s’abstenait d’agir en faveur de M. Conkling, les républicains libéraux faisaient à celui-ci un grief de l’appui qu’il n’avait cessé de donner à l’administration, et le combattaient avec acharnement en représentant que son élection aurait pour résultat de maintenir au pouvoir les hommes et le régime dont le pays ne voulait plus. M. Conkling, bien que sa candidature eût été adoptée par la convention préparatoire de New-York, devait rencontrer parmi ses adversaires les plus implacables et les plus dangereux quelques-uns des délégués de cet état à la convention générale.

M. Morton, sénateur de l’Indiana, avait pris au sénat la même situation que M. Blaine au sein de la chambre des représentans. Il était le chef et l’orateur des républicains radicaux, l’adversaire acharné des planteurs, le promoteur ou l’avocat de toutes les mesures de répression dirigées contre le sud. Il avait visé à partager avec le général Grant la reconnaissance des noirs et des