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avant qu’il ne soit sevré, elle va le plus, souvent chercher à la Santa, Casa dell’ Annunziata un nourrisson qui prend la place du petit être qui a disparu. Cela s’appelle « aller demander un enfant à la Madone, » et l’enfant ainsi adopté ne quitte plus la famille où il a été gratuitement élevé. Toutefois cette ressource ne saurait évidemment venir en aide qu’à un très petit nombre, et pour tous ceux qui demeurent les élèves de l’hospice, il faut, après les avoir fait vivre, leur assurer des moyens d’existence. Pour les garçons, la tâche est aisée. Le Napolitain se contente de peu, et ce n’est pas dans un pays où l’on a pu dire que la pastèque sert au lazzarone à boire, à manger et à se laver la figure qu’un jeune homme dans la force de l’âge peut trouver de grandes difficultés à vivre. Il n’en est pas de même pour les jeunes filles. Autrefois le procédé était très simple. On les conservait toutes au couvent, les unes comme religieuses, les autres dans un état incertain et intermédiaire entre la clôture et la liberté. Pour les déterminer à embrasser ce genre de vie, point n’était nécessaire d’exercer sur elles aucune contrainte. Il suffisait qu’accoutumées dès leur enfance aux pratiques d’une dévotion minutieuse, dénuées des notions pratiques qui auraient pu leur servir à faire leur chemin dans la vie, elles se vissent placées dans cette alternative de continuer l’existence facile et douce qu’elles avaient menée depuis leur premier âge, ou de tenter les hasards d’une vie de privations et d’aventure. Quelques-unes cependant trouvaient et trouvent encore à se marier d’une façon assez bizarre. Il arrive parfois qu’un pêcheur de Naples ou de Sorrente, surpris par la tempête, fait vœu d’épouser un enfant de la Madone s’il échappe au péril, et qu’il vient, en accomplissement de ce vœu, demander une femme à la Santa Casa dell’ Annunziata. Mais la duchesse Ravaschieri se soucie peu pour ses protégées d’une union ainsi contractée, qui leur prépare le plus souvent, dit-elle, une vie d’humiliation et de sacrifice. D’un autre côté, les rigueurs de la nouvelle législation italienne, qui contient dans d’étroites limites le recrutement des congrégations religieuses et condamne à mort un grand nombre d’entre elles, ferme à ces jeunes filles l’asile qui leur était destiné, et où beaucoup traînaient d’ailleurs une existence assez mélancolique.

On comprend donc que la duchesse Ravaschieri se préoccupe de leur sort, et rêve pour elles la création d’un grand patronage pour les orphelines et les jeunes filles abandonnées de la province de Naples, dont le but serait de recueillir ces jeunes filles à leur sortie des établissemens de bienfaisance et de leur donner l’instruction nécessaire pour devenir ouvrières, femmes de chambre, télégraphistes, typographes, etc. En un mot, il s’agit d’organiser à Naples l’enseignement professionnel tel que nous le comprenons en France et d’en faire bénéficier tout d’abord les jeunes filles orphelines et abandonnées. La création de cette