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assez meurtri de cette discussion ; il est resté avec une autorité à demi ébranlée dans une situation évidemment difficile. La retraite du général de Cissey était devenue à peu près inévitable. Son successeur est un homme jeune encore, justement estimé pour ses services et pour ses qualités militaires. M. le général Berthaut était colonel d’état-major avant la dernière guerre. Nommé un instant comme général au commandement de la garde mobile de la Seine en 1870, il a été pendant le siège de Paris un des plus énergiques divisionnaires, conduisant habilement ses soldats à Champigny et à Buzenval. Il présidait récemment une commission pour l’armée territoriale en même temps qu’il commandait une division active. M. le général Berthaut a le mérite de n’avoir aucun lien de parti, aucun caractère politique, et il faut vraiment de la bonne volonté, surtout une singulière subtilité d’interprétation, pour l’affilier à l’opinion républicaine parce qu’il a été dans sa jeunesse l’aide-de-camp du général Cavaignac, ou pour l’appeler orléaniste parce qu’il a gardé des rapports avec les princes d’Orléans. Le nouveau ministre de la guerre est tout simplement un soldat à l’intelligence sérieuse, à la volonté ferme, et sa nomination parait devoir être prochainement complétée par la réorganisation de l’état-major de l’armée, dont le chef, M. le général Gresley, qui est lui-même un de nos plus habiles officiers, aurait une position agrandie et mieux définie.

Le successeur de M. le général de Cissey a été jusqu’ici en dehors de toutes les luttes de parlement ; ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de le laisser dans cette neutralité respectée sans mêler son nom à des candidatures sénatoriales qui seraient peut-être disputées. Dans les combinaisons qui l’ont appelé à la direction de l’armée, la raison militaire a été seule en jeu, et c’est assez pour occuper utilement M. le général Berthaut aussi bien que son lieutenant, M. le général Gresley. Certes la réorganisation des forces de la France a fait des progrès réels depuis quelques années, elle a peut-être plus de progrès encore à faire pour devenir complètement efficace. Il y a des lois sur l’état-major, sur l’avancement, sur les sous-officiers, sur l’administration, qui restent à discuter, à voter, et ce n’est pas trop d’une vigilance active, énergique, pour hâter ces réformes nécessaires aussi bien que pour assurer l’exécution des lois de ces dernières années, pour coordonner cette œuvre jusqu’ici un peu décousue, pour raviver l’esprit militaire dans l’armée. C’est là un intérêt pressant, supérieur, tout national, que M. le président de la république a la patriotique prévoyance de maintenir en dehors des conflits de partis, qui est fait pour tenter le dévoûment d’un homme comme M. le général Berthaut, et si on y mettait un peu de bonne volonté, bien d’autres intérêts analogues, également permanens, pourraient être soustraits d’un commun accord aux influences de la politique de tous les jours. On l’a vu par la discussion du dernier budget. Ce qu’il y a eu de mieux, c’est la mesure toute militaire par laquelle on