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nous assurer qu’après bien des traverses « la France est arrivée, » qu’en se fixant dans la république elle a trouvé le port, elle touche au point culminant de ses destinées ! C’est une philosophie qui n’est pas plus neuve que rassurante. Malheureusement il y a dans notre histoire, depuis près d’un siècle, une série de gouvernemens qui ont tous déclaré, eux aussi, qu’ils étaient définitifs, que par eux a la France était arrivée. » Ils ont tous échoué, la France n’était point du tout « arrivée, » et la république elle-même, que M. de Marcère ne compte pas parmi les régimes qui ont été expérimentés, la république a échoué comme les autres, plus tristement que quelques autres. Elle sera plus heureuse aujourd’hui, nous ne demandons pas mieux que de partager la confiance de M. le ministre de l’intérieur et de croire à ses pronostics. Dans tous les cas, il y a une chose bien certaine : la république ne réussira que si elle se dégage en quelque sorte de son passé, de ses traditions, des erreurs, des passions et des préjugés qui l’ont toujours perdue. Ces institutions nouvelles qui existent aujourd’hui, qui ont à s’accréditer, ces institutions n’auront la force morale, l’efficacité et la durée que si elles répondent justement à ce goût de repos qu’éprouve la France, à tous ces instincts de modération et d’ordre qui sont dans le pays, à la multiplicité d’intérêts d’une ancienne, d’une grande et illustre société. C’est là toute la question, que les républicains pour leur part ne résolvent pas toujours vraiment de façon à simplifier les choses, à faciliter la marche des institutions et à réaliser les heureux présages de M. le ministre de l’intérieur.

Voilà le danger incessant, voilà l’équivoque qui n’est point encore dissipée malgré le discours de Domfront. La vérité est qu’il y a toujours deux républiques : il y a celle qui est acceptée par tout le monde, celle dont M. le ministre de l’intérieur a entendu retracer le caractère, les conditions, le programme, et il y a la république que certains républicains façonnent à leur manière, dont ils prétendent faire leur bien, leur domaine. Pour ceux-ci, ils ont vraiment un malheur, ils sont les jouets d’une idée fixe, d’une préoccupation étroite et tyrannique, à laquelle la victoire des élections n’a fait naturellement que donner une intensité plus irritante : ils éprouvent le besoin de mettre la république partout. À leurs yeux, finances, magistrature, administration, commandemens militaires, municipalités, gardes champêtres, tout doit être républicain. Il y a une « commission républicaine du budget, » il doit y avoir une littérature, une peinture républicaines, et finalement il y a bien aussi un ridicule républicain dont on ne réussit guère à se défendre. C’est la passion de parti dans ce qu’elle a de plus puérilement exclusif, et ce qu’il y a de curieux, c’est que ces étranges sectaires ne se doutent même pas du mal qu’ils font aux institutions dont ils prétendent être les gardiens privilégiés. Ils ont une manière de populariser la répu-